Réponse de la délégation socialiste française au Parlement européen au Livre vert de la Commission européenne que vous pouvez retrouver à cette adresse http://ec.europa.eu/yourvoice/ipm/forms/dispatch
1. Comment l’Union européenne peut-elle aider les États membres à rendre leurs systèmes de retraite plus adéquats? L’UE devrait-elle mieux définir ce qu’implique un revenu de retraite adéquat? (facultative)
La question de la viabilité des retraites et de la nécessité de garantir un revenu décent aux seniors se pose dans tous les Etats membres. Le taux de risque de pauvreté reste particulièrement élevé parmi les personnes âgées de 65 ans et plus (20 % en moyenne dans les 27 pays de l’Union contre 17 % pour l’ensemble de la population) et ce, particulièrement pour les femmes (pour lesquelles ce taux atteint 22 %).
Nous nous sommes toujours battus pour le renforcement de l’Europe sociale. Si nous refusons de tomber dans le piège du repli national en contestant toute compétence à l’Union en matière de retraites, nous souhaitons cependant clairement délimiter le champ d’une initiative communautaire en la matière. L’harmonisation de l’âge légal de départ à la retraite en est clairement exclue, du fait du principe de subsidiarité, en vertu duquel les États membres conservent l’entière responsabilité de l’organisation de leurs régimes de retraite (voir notamment la directive 2003/41/CE) et des situations démographiques largement différentes de part et d’autre de l’Europe. Mais nous pensons que la question de la gestion des âges de la vie active et les politiques de l’emploi doivent animer la réflexion sur le système des retraites. Les questions d’employabilité, de gestion des périodes de transition dans la vie active, de formation tout au long de la vie et de qualité de l’emploi constituent autant de sujets sur lesquels le débat à l’échelle de l’Union européenne doit apporter une valeur ajoutée. Enfin, l’Union européenne a également un rôle important à jouer en matière de portabilité des droits à la retraite.
2. Le cadre pour les retraites qui existe actuellement au niveau de l’UE est-il suffisant pour garantir la viabilité des finances publiques? (facultative) (entre 3 et 2000 characters)
Les inquiétudes démographiques énoncées comme justificatif au besoin de réforme sont à la fois alarmistes et assez mal fondées. Le livre vert part du postulat que le vieillissement de la population a été plus rapide que prévu et que la récente crise financière et économique a eu de très lourdes conséquences sur les budgets. Selon les hypothèses de la Commission, le rapport de dépendance économique des personnes âgées devrait doubler d’ici 2060 : si l’on compte actuellement quatre personnes en âge de travailler pour chaque personne de plus de 65 ans, elles ne seront plus que deux pour une à cette date.
Nous pensons que la véritable question est d’ordre économique : comment créer de nouveaux emplois et comment conserver les anciens lorsqu’ils sont libérés par les départs en retraite ? Il est possible de maintenir le rapport des actifs aux adultes inactifs en atteignant dans la plupart des pays des taux d’emploi et d’activité observés actuellement dans certains pays de l’Union et en misant sur la parité entre hommes et femmes en activité (selon la Note de synthèse requise par la commission parlementaire de l’Emploi et des Affaires Sociales du Parlement européen pour l’audition « L’avenir démographique de l’Europe » du 28 mai 2008. INED – Institut national d’études démographiques). L’évolution de la population active soulève en fait une question fondamentale : existe-t-il des réserves de population active autres que celles des seniors ?
3. Comment parvenir à relever l’âge effectif de départ à la retraite et comment l’augmentation de l’âge ouvrant droit aux prestations de retraite pourrait-elle y contribuer? Faut-il introduire dans les systèmes de retraite des mécanismes d’ajustement automatique à l’évolution démographique en vue d’équilibrer le temps passé au travail et le temps passé à la retraite? Quel rôle l’UE pourrait-elle jouer à cet égard? (facultative) (entre 3 et 2000 characters)
L’âge moyen de cessation d’activité demeure dans la plupart des Etats membres en-deçà de l’âge ouvrant droit aux prestations de retraite, de nombreux travailleurs étant contraints de quitter prématurément le marché du travail en raison d’un licenciement ou de problèmes de santé. Augmenter l’âge légal de départ à la retraite conduirait à précariser encore davantage ces travailleurs et à accroître les dépenses des systèmes d’assurance chômage et de pré-retraite.
La nette différence d’espérance de vie constatée dans la population active selon les types d’emploi et les catégories socio-professionnelles montre indubitablement l’effet délétère de la pénibilité sur les travailleurs qui en souffrent le plus. L’allongement de la durée de la vie active pose donc inéluctablement la question de la pénibilité au travail. La réduction des pénibilités, qui doit être un objectif des politiques de l’Union européenne, vise à rendre les postes de travail accessibles au plus grand nombre, de manière à ce qu’ils puissent être tenus par des salariés de tout âge, sans fatigue ni risque de santé excessifs.
Nous récusons l’approche visant à introduire un ajustement automatique de l’âge ouvrant droit aux prestations de retraite suivant la progression future de l’espérance de vie. Cela ne tient pas compte des dynamiques démographiques et migratoires et constituerait une solution de court terme, injuste socialement, et n’offrant aucune garantie de viabilité des systèmes. L’Union européenne n’a en outre rien à gagner à rendre automatiques certaines modifications des systèmes de retraite, lesquelles ne seraient, dès lors, plus soumises au nécessaire débat d’idées et à la confrontation politique.
4. Comment la stratégie «Europe 2020» pourrait-elle être utilisée pour promouvoir l’allongement de la vie active ainsi que ses avantages pour les entreprises et lutter contre la discrimination liée à l’âge sur le marché du travail? (facultative) (entre 3 et 2000 characters)
La stratégie « Europe 2020 » vise à développer l’emploi afin de créer de la croissance, contribuant de ce fait à la pérennité des systèmes de retraites. Elle doit donc être employée aux fins de contribuer à la solidarité entre les Européens et de renforcer les conditions de l’égalité entre actifs. Plusieurs pistes sont donc à exploiter dans ce sens :
– Définition d’un « minimum vieillesse » au niveau européen en assurant une vigilance accrue sur la situation des femmes
– Utilisation plein et entière de la législation européenne qui existe en matière de lutte contre les discriminations pour garantir l’accès et le maintien des salariés âgés sur le marché du travail
– Définition d’une bonne gouvernance en matière de supervision des systèmes de retraite pour imposer le dialogue social, la consultation des salariés et l’implication de la société civile.
– Approche concertée et réfléchie des politiques d’immigration et de natalité (telles que décrites notamment dans le rapport Estrela sur l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail) afin de maintenir un taux d’activité élevé de la population européenne
– Définition de la notion de pénibilité afin que les Etats membres la prennent en compte dans leurs systèmes de retraite.
8. La législation européenne actuelle doit-elle faire l’objet d’une révision qui garantisse une réglementation et une supervision cohérentes des régimes de retraite par capitalisation (c’est-à-dire financés par un fonds d’actifs) et de leurs produits? Si oui, quels sont les éléments à revoir? (facultative) (entre 3 et 2000 characters)
La crise a montré les limites des régimes par capitalisation où les fonds de pension prennent des risques excessifs qui, d’une part, mettent en péril les pensions et, d’autre part, jouent contre les intérêts des salariés en pesant sur la stratégie des entreprises et en imposant des retours sur investissement trop gourmands. L’accès à ces régimes complémentaires devrait être garanti à tous les travailleurs du secteur ou de l’entreprise, dans le respect de l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes et à la condition que les partenaires sociaux soient associés à leur mise en place négociée ainsi qu’à leur contrôle de gestion. Enfin, il faut veiller à promouvoir les investissements qui ont un impact positif sur l’emploi et décourager les placements purement spéculatifs.
Il faut par conséquent renforcer l’encadrement des fonds de pension et plaider pour les régimes publics. Ces systèmes reposent sur le principe de la solidarité et tissent des liens inter et intra-générationnels qui contribuent à assurer la cohésion sociale. Ils permettent en outre d’assurer des droits à la pension pendant les périodes de chômage et d’interruption de carrière pour cause de maladie et pour des motifs familiaux. Leur stabilité financière a notamment fait ses preuves lors de la crise financière de 2008.
9. Comment la réglementation européenne ou un code de bonnes pratiques pourraient-ils aider les États membres à aboutir à un meilleur équilibre entre les risques, la sécurité et l’accessibilité financière pour les épargnants et pour les institutions de retraite? (facultative) (entre 3 et 2000 characters)
Avec la mise en place de l’Union économique et monétaire, la gestion des systèmes de retraite est devenue un problème d’intérêt européen. A ce titre, la méthode – qui a vu le jour lors du Conseil européen de Lisbonne en mars 2000 puis a été précisée à Laeken en décembre 2001 – est celle d’une « méthode ouverte de coordination », et retient onze objectifs communs permettant un processus de rapprochement des différents systèmes nationaux. Ce système a pour but d’entretenir une certaine pression sur les Etats membres, et de promouvoir une certaine forme de convergence des différents systèmes nationaux.
Cette méthode de gouvernance s’expose aux critiques de déficit démocratique. Il est donc essentiel que le contrôle parlementaire continue de s’exercer au niveau national et européen, mais aussi que d’autres acteurs, sociaux et économiques, soient impliqués dans la mise en œuvre des politiques. Le rôle des syndicats, notamment, doit être revalorisé et encouragé.
La gouvernance sur le dossier des retraites plaide par ailleurs pour un renforcement accru des ministres des affaires sociales, au détriment d’une approche purement économique et statistique du dossier des pensions.
10. Quelles devraient être les caractéristiques d’un régime de solvabilité équivalent pour les fonds de pension? (facultative) (entre 3 et 2000 characters)
Dès lors que la question de la solvabilité des régimes d’assurance a été réexaminée par le biais de la directive Solvabilité II, celle des fonds de pension doit absolument l’être également, en tenant compte des enseignements que nous devons tirer de la crise quant à l’usage de la juste valeur et de la gouvernance d’investissements long terme.