Sylvie Guillaume (S&D). – Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, chers collègues, ne faut-il pas se montrer prudent vis-à-vis de quelque chose ou de quelqu’un qui se réclame d’emblée comme intelligent? Le paquet « Frontières intelligentes » ne semble malheureusement pas échapper à cette règle de précaution.
Prudence, tout d’abord, à l’égard de son objectif: l’accès des services répressifs aux données à caractère personnel collectées est aujourd’hui en discussion. Ce débat ne concerne évidemment pas le seul paquet « Frontières intelligentes ». Les services répressifs ont de plus en plus accès à des données de personnes qui ne sont, en principe, soupçonnées d’aucun délit. Il s’agit donc de savoir de quoi il est question. D’un système de gestion des frontières ou d’un énième outil de sécurité?
Prudence, ensuite, vis-à-vis de son impact en matière de droits fondamentaux. D’un côté, le dispositif propose de faciliter le périple de certains voyageurs privilégiés et, de l’autre, il veut lutter contre le dépassement de la durée de séjour de voyageurs un peu moins chanceux. Cette différenciation entre les voyageurs ne conduira-t-elle pas à une forme de discrimination? Sur quelle base se ferait l’évaluation des critères d’accès ou de refus d’accès au programme pour voyageurs enregistrés?
Enfin, s’agissant de son coût, une frontière intelligente semble être une frontière qui coûte beaucoup d’argent, ce qui n’est sans doute pas passé inaperçu du côté des acteurs industriels. Outre le lobbying intense que ce dispositif doit susciter, n’y a-t-il pas lieu de s’interroger sur son rapport coût-efficacité? Comme cela a déjà été indiqué, l’expérience des États-Unis a largement remis en cause ce rapport: plus de 1,5 milliard de dollars d’investissement pour seulement 1 300 refus d’entrée.
Alors que l’Union européenne et ses États membres peinent à débloquer un budget pour sauver des vies en Méditerranée, on peut se demander si le jeu en vaut vraiment la chandelle.