Hasard des calendriers : les socialistes se sont opposés au projet de loi Besson sur l’immigration à l’Assemblée Nationale et au Parlement européen simultanément.
Au nom des élus socialistes, Catherine Trautmann, Jean-Marc Ayrault et Jean-Pierre Bel dénoncent dans le projet de loi sur l’immigration « un amendement anti-pauvres du Gouvernement, qui porte gravement préjudice à la lettre et à l’esprit même du Traité ainsi qu’au principe de libre circulation. Une obligation de quitter le territoire pour des citoyens européens ne peut être prononcée que dans des cas très exceptionnels, en cas de troubles réels à l’ordre public. Revenir sur ce principe, c’est revenir 50 ans en arrière, à l’Europe des frontières, et instaurer un rideau de fer ciblant uniquement les pauvres ».
Alors que le gouvernement tente de justifier cette énième loi de réforme de l’immigration par la nécessité de transposer plusieurs directives européennes, il contrevient directement au droit européen, en l’occurrence la directive sur la libre circulation.
Comme le souligne Christophe Caresche, député à l’Assemblée nationale, l’amendement du Gouvernement introduisant une notion d’abus de droit est trop large pour être compatible avec le principe de la libre circulation des citoyens européens. « Ce qui peut constituer un abus de droit est défini dans la directive : il s’agit des mariages blancs ou de toute autre forme d’unions contractées uniquement en vue de bénéficier de la liberté de circulation et de séjour. L’interprétation faite par le gouvernement selon laquelle constituerait un abus de droit « le fait de renouveler des séjours de moins de trois mois dans le but de se maintenir sur le territoire alors que les conditions requises pour un séjour supérieur à trois mois ne sont pas remplies » est donc abusive et illégale », explique Christophe Caresche.
Sylvie Guillaume, eurodéputée, et l’ensemble des membres du groupe S&D en commission LIBE, vont dénoncer ce projet de loi à Bruxelles, lors de l’audition extraordinaire des commissaires Malmström, Reding et Andor sur la « situation du peuple Rom en Europe » et sur l’interprétation juridique de la directive relative à la libre circulation des personnes.
Pour Sylvie Guillaume, « cet amendement du Gouvernement contrevient également aux principes de la libre circulation des citoyens communautaires en effectuant un amalgame entre les conditions requises pour un séjour de moins de trois mois et un séjour de plus de trois mois. Pour les courts séjours, il n’est pas prévu d’exiger du citoyen européen qu’il puisse, comme pour les long séjours, justifier de « ressources suffisantes pour lui-même et pour les membres de sa famille » ».
Pour les socialistes, cet amendement ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt : l’ensemble du projet de loi comporte des reculs tout à fait inadmissibles pour les droits des migrants, comme l’extension de la durée de rétention, la limitation du rôle du juge des libertés, la création de zones d’attente ad hoc, pour ne citer que quelques éléments inacceptables.