On peut se réjouir de l’accord trouvé hier soir au Sommet européen en vue de venir en aide à la Grèce. Pour la première fois depuis le début de la crise, les Etats Membres font preuve de solidarité face à l’exubérance irrationnelle des marchés. Un mécanisme de soutien est mis en place pour soulager les contribuables grecs, mis sous pression.
Mais pas de triomphalisme: il s’agit d’une solidarité au rabais, qui n’affranchit pas la zone euro des menaces que les spéculateurs font peser sur nos économies. En se limitant à des prêts bilatéraux et en admettant que le FMI soit partie prenante à la solution proposée, les gouvernements européens n’ont pas donné le signal fort qu’exigent des circonstances exceptionnelles. Loin de mettre à l’abri la population grecque et, à terme, l’Union Européenne toute entière, de plans de rigueur en série, l’accord est assorti de mesures d’économie drastiques, qui n’ont rien à envier aux « ajustements structurels » jadis imposés à l’Argentine et qui menacent de tuer dans l’oeuf tout espoir de reprise – et de recettes fiscales.
La chancelière allemande Angela Merkel porte une lourde responsabilité dans la situation actuelle. Sa politique de compétition agressive, menée aux dépens de tous les autres pays de l’Union européenne, entraîne les pays européens vers une déflation salariale et un dumping social aux conséquences macroéconomiques désastreuses. La menace d’exclusion de la Grèce, maladroitement brandie par la chancelière, trahit le choix d’une stratégie non coopérative, particulièrement dangereux pour l’avenir de la zone euro.
Le Président de la BCE, enclin à regretter le recours au FMI, n’a pour sa part jamais évoqué la solution de bon sens, la plus économique, déjà utilisée par la FED américaine: donner la possibilité à la BCE de financer à taux réduit la dette des Etats Membres de la Zone Euro, comme le permettrait l’article 122-2 du Traité de Lisbonne. En l’absence d’une telle proposition, les socialistes européens ont eu raison d’appeler de leurs vœux la création d’un Fonds Monétaire Européen.
En lieu et place d’une politique courageuse de soutien de la demande au niveau européen, nous voyons malheureusement se consolider une gouvernance économique de l’Union renforcée dans le seul but de pousser – par le durcissement du volet répressif du Pacte de Stabilité et de Croissance – tous les Etats Membres vers une compétitivité construite au dépens des salaires, du droit du travail, des systèmes de protection sociale, des services publics et de la justice fiscale.
Si l’Union Européenne doit tenir ses promesses de progrès partagés, elle doit tourner le dos aux égoïsmes économiques nationaux et aux politiques budgétaires et fiscales non coopératives. Elle doit donner la possibilité à sa banque centrale de financer les dettes souveraines, quand les primes de risque sur les emprunts d’Etat, exigées par les marchés, deviennent excessives.