Emmanuel Maurel, rapporteur. – Monsieur le Président, mes chers collègues, depuis les dernières élections européennes, nous sommes quelques-uns dans cet hémicycle à nous être consacrés à la lutte contre l’évasion fiscale. Il faut reconnaître que ce n’est pas facile, puisque, en quatre ans, nous avons vu quand même beaucoup de scandales, beaucoup de révélations et nous avons parfois le sentiment que notre travail, nos propositions, tout ce que nous essayons de faire avec la Commission ne nous permettent pas d’avancer très rapidement. Et c’est la vérité, malheureusement. Mais c’est aussi la raison pour laquelle, dès que nous avons des petites victoires, nous devons y puiser un peu de courage, un peu d’énergie et, avec ce texte, c’est une petite victoire – victoire certes modeste, mais une victoire quand même et il faut l’acter.
Une victoire d’abord sur la délinquance en col blanc, les fraudeurs, les planificateurs professionnels de la fuite des profits et ceux évidemment qui les aident, c’est-à-dire les intermédiaires. Il existe – vous le savez ici, chers collègues – une véritable industrie de l’optimisation fiscale, avec des sociétés discrètes, et nous demandons à ce qu’elles rendent des comptes sur les montages qu’elles conçoivent, qu’elles conseillent, qu’elles commercialisent. Avec cette réforme dite d’ACCIS, tous les montages qui ne rempliront ne serait-ce qu’un seul critère possible d’optimisation fiscale agressive devront être rapportés au fisc, sous peine de sanctions.
C’est aussi une victoire sur la concurrence navrante – la concurrence fiscale – que se livrent parfois hélas les États membres. Toutes les informations collectées seront obligatoirement et automatiquement échangées entre les États membres de l’Union européenne. Tout progrès dans ce domaine est bon à prendre, car nous le savons, les États se livrent à une affligeante course au moins-disant fiscal et ne s’échangent des informations utiles que s’ils y sont contraints et forcés. Eh bien contraints, ici, ils seront, et c’est tant mieux.
C’est enfin une petite victoire pour le Parlement européen, plus spécifiquement, car à travers le vote unanime de la commission des affaires économiques, qui a amélioré d’ailleurs de façon substantielle le texte, nous prouvons que notre institution est une de celle qui est le plus en pointe sur la question de l’évasion fiscale. Vous allez me dire que c’est normal, puisque que nous sommes peut-être l’institution qui prend le plus en compte le souverain, le peuple, l’opinion publique. Or, sur ce sujet, la société européenne est fatiguée des inégalités devant l’impôt et elle est aussi légitimement révulsée par tous ces scandales auxquels je faisais allusion. Les gens regardent de près ce qui se passe à Bruxelles sur cette question et c’est la raison pour laquelle nous sommes et nous devons toujours être au diapason des attentes populaires en la matière.
Enfin, c’est une victoire techniquement solide, puisque la directive ACCIS, telle qu’elle est soumise au vote aujourd’hui, est considérablement enrichie, et je remercie pour cela, évidemment, tous les rapporteurs fictifs et tous les élus qui ont participé à ce travail.
Nous avons d’abord l’obligation de notifier au fisc les montages fiscaux douteux, obligation qui concernera non seulement les conseillers fiscaux, mais aussi les auditeurs. Pour moi, c’est très important, parce que cela inclut les grandes firmes systématiquement impliquées dans les scandales fiscaux et que l’on désigne sous le nom de «Big Four».
Vous avez aussi la fuite des profits qui continue parfois à travers des montages anciens qui sont toujours fonctionnels, et nous avons obtenu, nous demandons, que tous les montages, même créés il y a plusieurs années, soient notifiés dès lors qu’ils sont encore en vigueur.
Enfin, et c’est très important, nous avons élargi les indices d’optimisation fiscale agressive pour que le radar – en quelque sorte, si j’ose m’exprimer ainsi – soit le plus complet possible.
Donc nous avançons, nous faisons des propositions, nous travaillons avec la Commission. Il reste beaucoup à faire, mais c’est une petite victoire, c’est un pas dans la bonne direction, qu’il faut saluer. Je remercie, encore une fois, les élus qui se sont penchés sur ce dossier, et en particulier les rapporteurs fictifs, et je vous invite à voter massivement – pour ne pas dire unanimement – ce texte qui va dans la bonne direction.
Emmanuel Maurel, rapporteur. – Madame la Présidente, chers collègues, Monsieur le Commissaire, merci pour ces propos qui témoignent quand même d’une quasi-unanimité dans cet hémicycle, qui consistent à dire que les inégalités fiscales menacent notre pacte démocratique, qu’il n’y a pas d’égalité des citoyens sans égalité devant l’impôt et qu’il n’y a pas d’État stable et d’Europe stable et respectée qui laissent fuir chaque année des dizaines de milliards d’euros de recettes publiques.
Donc, j’ai entendu les commentaires des uns et des autres et, pour reprendre un collègue, il ne s’agit évidemment pas de stigmatiser des professions, mais bien de tenter de dissuader certains de ces professionnels de s’adonner à ce que j’ai appelé une «industrie de l’évasion fiscale», en tout cas de l’optimisation fiscale, que nous avons tous dénoncée ce matin.
Le commissaire Moscovici nous invitait à prendre conscience des progrès qui avaient été réalisés depuis trois ans. Il est vrai que la Commission et le Parlement essaient de travailler, à leur rythme, pour trouver des réponses. Il est vrai aussi, quand même – soyons honnêtes, chers collègues – que le Conseil ne nous aide pas beaucoup et qu’il ne va pas falloir relâcher la pression face à des États membres qui, sur ce dossier, sont rarement en avance et ont rarement envie d’anticiper un certain nombre de débats.
Merci chers collègues, je souhaite que ce texte soit voté avec la plus large majorité possible pour que nous envoyions – pour reprendre les mots du commissaire – un signal politique, celui de la volonté de restaurer l’égalité des citoyens et des entreprises devant l’impôt.