Sylvie GUILLAUME, Députée européenne, Vice-présidente du Groupe des Socialistes & Démocrates, se félicite de l’adoption par le Parlement européen d’une résolution faisant écho aux graves inquiétudes exprimées par la gauche européenne sur l’état de la démocratie en Hongrie, et les atteintes portées aux valeurs européennes.
« À la veille de l’échéance prévue pour les procédures d’infraction accélérées lancées par la Commission européenne, c’est un message fort qui a été lancé par le Parlement européen, en solidarité au peuple hongrois », a déclaré l’eurodéputée qui a participé à la négociation de la résolution adoptée aujourd’hui, au nom des Socialistes & Démocrates, et pour qui, « très certainement, Viktor ORBAN ne manquera pas d’instrumentaliser le vote comme il sait parfaitement bien le faire ».
Le Parlement européen demande ainsi à la Commission de vérifier la conformité du droit hongrois avec la lettre et l’esprit des traités européens s’agissant notamment de l’indépendance de l’appareil judiciaire, le respect du pluralisme des médias et la protection des données personnelles. La commission des Libertés civiles se voit également chargée de la rédaction d’un rapport sur le suivi de ces recommandations, rapport sur la base duquel la Conférence des Présidents pourrait éventuellement envisager le déclenchement de la procédure prévue à l’article 7 du Traité, prévoyant un mécanisme de sanction en cas de violation des valeurs communes de l’Union européenne.
« La Commission européenne doit aller au bout de la tâche qui est la sienne en tant que gardienne des Traités ; quant au gouvernement hongrois, il est attendu de sa part qu’il suive les recommandations qui lui sont formulées pour se mettre en conformité avec le droit européen. Il est clair que nous ne pourrons pas nous en tenir à de simples mesures d’ajustements cosmétiques, et c’est en ce sens que cet appel doit être entendu ».
« Face au silence assourdissant dont fait preuve le Conseil et à la famille PPE qui semble éprouver des difficultés à faire le tri dans cette affaire, il reste encore – et c’est heureux – une majorité pour se lever contre les risques de dérives populistes qui se développent aujourd’hui en Europe », a conclu l’eurodéputée.
Le texte de la résolution adoptée ce jeudi 16 février 2012
Résolution du Parlement européen sur les récents événements politiques en Hongrie (2012/2511(RSP))
Le Parlement européen,
– vu les articles 2, 3, 4, 6 et 7 du traité sur l’Union européenne (traité UE), les articles 49, 56, 114, 167 et 258 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (traité FUE), la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et la convention européenne des droits de l’homme (CEDH), qui traitent du respect, de la promotion et de la défense des droits fondamentaux,
– vu la constitution hongroise, adoptée le 18 avril 2011 par l’Assemblée nationale de la République de Hongrie, entrée en vigueur le 1er janvier 2012 (ci-après « la nouvelle constitution »), et les dispositions transitoires de cette nouvelle constitution, adoptées le 30 décembre 2011 par l’Assemblée nationale (ci-après « les dispositions transitoires »),
– vu les avis nos CDL(2011)016 et CDL(2011)001 de la commission européenne pour la démocratie par le droit (commission de Venise) portant sur la nouvelle constitution de la Hongrie, ainsi que les trois questions juridiques qui se posent dans le cadre de la préparation de cette nouvelle constitution,
– vu la résolution du Parlement européen du 10 mars 2011 sur la loi hongroise sur les médias et la résolution du Parlement européen du 5 juillet 2011 sur la constitution hongroise révisée,
– vu la communication de la Commission sur l’article 7 du traité sur l’Union européenne « Respect et promotion des valeurs sur lesquelles l’Union est fondée » (COM(2003)0606),
– vu la mise en place d’un groupe de haut niveau pour la liberté et le pluralisme des médias par la vice-présidente de la Commission, Neelie Kroes, en octobre 2011,
– vu les déclarations du Conseil et de la Commission lors du débat en plénière du Parlement européen le 18 janvier 2012 sur les récents événements politiques de Hongrie et sur l’audition organisée le 9 février 2012 par la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures,
– vu la décision de la Commission du 17 janvier 2012 d’ouvrir une procédure d’infraction accélérée contre la Hongrie au sujet de l’indépendance de sa banque centrale et de l’autorité de protection des données ainsi qu’au sujet des mesures touchant l’appareil judiciaire,
– vu l’article 110, paragraphe 2, de son règlement,
A. considérant que l’Union européenne repose sur les valeurs de démocratie et d’état de droit, ainsi que le précise l’article 2 du traité UE, sur le respect intégral des libertés et droits fondamentaux, inscrits dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et dans la CEDH, et sur la reconnaissance de la valeur juridique desdits droits, libertés et principes, laquelle trouve également son expression dans la prochaine adhésion de l’Union européenne à la CEDH;
B. considérant que les États membres actuels et en cours d’adhésion et l’Union européenne sont tenus de veiller à ce que le contenu et les procédures de la législation des États membres soient conformes au droit et aux valeurs de l’Union européenne, inscrits en particulier dans les critères de Copenhague, la Charte des droits fondamentaux et la CEDH, et à ce que la lettre et l’esprit des actes législatifs adoptés ne contredisent pas ces valeurs et instruments;
C. considérant que la Hongrie a adopté une nouvelle constitution le 18 avril 2011, dont l’adoption et certaines dispositions ont fait l’objet de critiques de la part du Parlement européen exprimées dans sa résolution du 5 juillet 2011, qui invitait le gouvernement hongrois à traiter les questions et les problèmes soulevés par la commission de Venise et appelait la Commission à mener à bien un examen et une analyse approfondis de la nouvelle constitution et des lois cardinales qui en découlent, afin de vérifier leur conformité avec l’esprit et la lettre de l’acquis communautaire et, en particulier, avec la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne;
D. considérant que l’adoption des lois cardinales a soulevé des inquiétudes dans un certain nombre de domaines, notamment en ce qui concerne l’indépendance de l’appareil judiciaire, de la banque centrale et de l’autorité de protection des données, l’équité de la concurrence et de l’alternance politiques, la « loi de stabilité » soumettant le régime d’impôt sur le revenu à une majorité des deux tiers et les lois cardinales donnant le droit exclusif à la majorité actuelle de nommer des hauts fonctionnaires pour une durée inhabituellement longue, ce qui porte atteinte à la capacité des futurs gouvernements à gouverner;
E. considérant que le nouveau chef de l’autorité judiciaire nationale et le procureur général auront le droit d’attribuer des affaires aux tribunaux, ce qui va à l’encontre du principe du droit d’accès à la justice et du droit à un procès équitable ainsi qu’à l’encontre de l’indépendance de l’appareil judiciaire;
F. considérant que, d’après la nouvelle constitution et ses dispositions transitoires, la Cour suprême a été renommée la Kúria, et qu’il a été mis fin prématurément au mandat de 6 ans de l’ancien président de la Cour suprême au bout de seulement 2 ans;
G. considérant que la nouvelle constitution prévoit un abaissement de l’âge obligatoire de départ à la retraite pour les juges et les procureurs, le faisant passer de 70 ans à 62 ans, hormis pour le président de la Kúria et le procureur général, ce qui peut être discriminant et entraînera le départ à la retraite d’environ 300 juges, ce qui constitue une grave atteinte à l’indépendance du fonctionnement de l’appareil judiciaire;
H. considérant que, selon les dispositions de la nouvelle constitution, le nombre de commissaires parlementaires est passé de quatre à trois, ce qui a mis fin prématurément au mandat de 6 ans du commissaire pour la protection des données et la liberté de l’information et a entraîné le transfert de ses attributions à une nouvelle autorité, ce qui constitue une grave atteinte à l’indépendance dudit commissaire;
I. considérant que le parlement hongrois a adopté plusieurs lois rétroactives, enfreignant ainsi l’un des principes de base du droit européen, à savoir l’interdiction d’adopter de telles lois;
J. considérant que la loi récemment adoptée sur les Églises et les dénominations religieuses contient des règles inhabituellement restrictives sur l’enregistrement des Églises et soumet l’enregistrement à l’approbation d’une majorité des deux tiers du parlement;
K. considérant que, d’après les dispositions de la constitution, les pouvoirs de la Cour constitutionnelle hongroise en matière de révision des lois budgétaires ont été substantiellement réduits;
L. considérant que le nombre significatif de sujets renvoyés, pour être réglementés en détail, aux lois cardinales requérant la majorité des deux tiers, y compris des questions qui devraient être traitées dans le cadre de la procédure législative ordinaire et sur lesquelles une décision est habituellement prise à la majorité simple, suscite des inquiétudes, comme l’a indiqué la commission de Venise dans son rapport;
M. considérant que Viviane Reding, vice-présidente de la Commission, a souligné l’intention de la Commission de vérifier que la nouvelle organisation de l’appareil judiciaire hongrois n’affecte pas l’indépendance du pouvoir judiciaire; considérant que Neelie Kroes, vice-présidente de la Commission, et Vaira Vīķe‑Freiberga, présidente du groupe de haut niveau pour la liberté et le pluralisme des médias, ont fait part à plusieurs reprises de leurs inquiétudes au sujet de la liberté et du pluralisme des médias en Hongrie;
N. considérant que le président de la Commission, José Manuel Barroso, a souligné le 18 janvier 2012 qu’outre les aspects juridiques, des inquiétudes ont aussi été exprimées au sujet de la qualité de la démocratie en Hongrie, et a invité instamment les autorités hongroises à respecter les principes de la démocratie et de la liberté et à les appliquer non seulement en théorie mais aussi en pratique dans la vie politique et sociale de ce pays;
O. considérant que, le 17 janvier 2012, la Commission a ouvert une procédure d’infraction à l’encontre de la Hongrie portant sur trois points: l’indépendance de la banque centrale de Hongrie, l’abaissement de l’âge obligatoire de départ à la retraite des juges inscrit dans la constitution hongroise et l’indépendance de l’autorité de protection des données, et a également demandé aux autorités hongroises des informations supplémentaires sur la question de l’indépendance de l’appareil judiciaire;
P. considérant que le Parlement européen, dans son rapport sur la situation des droits fondamentaux dans l’Union européenne (2009) – mise en œuvre concrète après l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne (2009/2161(INI)), souhaitait « qu’il soit donné suite à la communication de 2003 sur l’article 7 du traité sur l’Union européenne qui demandait de définir un moyen transparent et cohérent de réagir aux éventuelles violations des droits de l’homme et d’utiliser de façon pertinente cet article 7 au vu de la nouvelle architecture de l’Union dans le domaine des droits fondamentaux »;
Q. considérant que le gouvernement hongrois, et notamment le premier ministre dans sa lettre adressée à la Commission et au Parlement européen, a fait part de sa volonté de régler les problèmes ayant déclenché la procédure d’infraction, de modifier la législation en question et de continuer à collaborer avec les institutions européennes une fois la procédure juridique terminée;
R. considérant que le Parlement européen a un rôle à jouer dans le contrôle du respect, dans les 27 États membres, des droits fondamentaux, des libertés et des principes inscrits dans l’acquis communautaire;
1. fait part de ses graves inquiétudes quant à la situation hongroise en ce qui concerne l’exercice de la démocratie, l’état de droit, le respect et la protection des droits de l’homme et des droits sociaux, le système d’équilibre des pouvoirs, l’égalité et la non-discrimination;
2. demande au gouvernement de Hongrie, dans l’intérêt commun des citoyens hongrois et de l’Union européenne, de se conformer aux recommandations, objections et demandes de la Commission, du Conseil de l’Europe et de la commission de Venise relatives aux questions susmentionnées et de modifier les lois concernées en conséquence, dans le respect des valeurs fondamentales et des normes de l’Union européenne;
3. prend acte de l’engagement de la Commission, du Conseil de l’Europe et de la commission de Venise d’examiner attentivement la conformité de la législation hongroise non seulement avec la lettre mais aussi avec l’esprit du droit européen;
4. demande à la Commission, en tant que gardienne des traités, de surveiller attentivement les éventuelles modifications et la mise en œuvre des lois en question ainsi que leur conformité avec la lettre et l’esprit des traités européens et de réaliser une étude approfondie pour garantir:
a. la pleine indépendance de l’appareil judiciaire, en veillant en particulier à ce que l’autorité judiciaire nationale, le cabinet du procureur et les tribunaux en général soient exempts de toute influence politique, et pour s’assurer que le mandat des juges nommés en toute indépendance ne puisse être raccourci de façon arbitraire;
b. que le règlement de la banque nationale hongroise respecte la législation européenne;
c. que l’indépendance institutionnelle de l’autorité chargée de la protection des données et de la liberté de l’information soit rétablie et garantie par le contenu et la mise en œuvre de la loi pertinente;
d. que le droit de la Cour constitutionnelle de réviser tout acte législatif soit rétabli, y compris le droit de réviser les lois budgétaires et fiscales;
e. que la liberté et le pluralisme des médias soient garantis par le contenu et la mise en œuvre de la loi hongroise sur les médias, en particulier eu égard à la participation de la société civile et des représentants de l’opposition au conseil des médias;
f. que la nouvelle loi électorale réponde aux normes démocratiques européennes et respecte le principe d’alternance politique;
g. que le droit à l’opposition politique exercée de manière démocratique soit garanti au sein des institutions et en dehors de celles-ci;
h. que la loi sur les Églises et les dénominations religieuses respecte les principes fondamentaux de la liberté de conscience et ne soumette pas l’enregistrement des Églises à l’approbation d’une majorité des deux tiers au parlement hongrois;
5. invite la Commission à demander l’avis de la commission de Venise sur le paquet législatif dans son ensemble, comprenant la nouvelle constitution, les dispositions transitoires et les lois cardinales, et à continuer à œuvrer de concert avec le Conseil de l’Europe sur ces questions;
6. charge la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures, en coopération avec la Commission, le Conseil de l’Europe et la commission de Venise, de surveiller le respect des recommandations de la Commission et du Parlement européen exposées au point 4 de la présente résolution, ainsi que la manière dont celles-ci sont appliquées, et de présenter ses conclusions dans un rapport;
7. charge la Conférence des présidents, à la lumière du rapport visé au point 6, de décider ou non de mettre en place les mesures nécessaires, y compris les mesures prévues à l’article 74 sexies du règlement / l’article 7, paragraphe 1, du traité UE;
8. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission, ainsi qu’au Conseil de l’Europe, aux gouvernements et aux parlements des États membres, à l’Agence des droits fondamentaux, à l’OSCE et au Secrétaire général des Nations unies.