Christine Revault d’Allonnes Bonnefoy, rapporteure. – Monsieur le Président, Madame la Commissaire, chers collègues, la présentation de ce rapport aujourd’hui marque l’aboutissement d’un long cycle de travail de près de deux ans sur un texte fondamental pour l’avenir de la politique européenne des transports.
La révision de la directive européenne qui encadre les systèmes de tarification routière sur les plus de 136 000 km du réseau routier transeuropéen représente une occasion unique pour mieux prendre en compte l’impact des transports routiers sur notre société.
Si nous révisons ce texte, c’est parce que la directive «Euro-redevance», qui a permis de lutter contre les discriminations entre résidents et non-résidents, a atteint aujourd’hui ses limites pour ce qui est de contribuer pleinement aux objectifs du livre blanc des transports d’aller vers la pleine application des principes «utilisateur-payeur» et «pollueur-payeur».
Sans mesure forte et sans une vision à long terme de l’évolution de la tarification des transports routiers, qui représentent plus de 70 % des émissions du secteur des transports, nous n’atteindrons pas nos objectifs climatiques et nous ne répondrons pas à l’urgence de mieux lutter contre le fléau de la pollution de l’air qui frappe nos concitoyens.
Face à ces urgences, les mentalités évoluent et les usagers de la route sont de plus en plus conscients et sensibles à l’impact environnemental des transports routiers. Et c’est dans cette perspective que nous, décideurs politiques, devrons faire preuve de courage et de volonté pour accompagner et accélérer cette prise de conscience et la transition vers une tarification des routes plus juste et plus environnementale
Et je profite de cette occasion pour saluer ici le courage politique de la Commissaire d’avoir mis sur la table un texte ambitieux.
L’élargissement du champ d’application à tous les véhicules lourds et aux véhicules légers, l’interdiction progressive des systèmes de vignette ou encore l’obligation de moduler les péages en fonction des émissions de CO2, sont autant de mesures que je soutiens et qui se retrouvent dans le rapport qui sera présenté au vote demain.
Et le travail en commission parlementaire a permis d’améliorer la proposition de la Commission européenne.
Tout d’abord, concernant le principe de l’«utilisateur-payeur», la commission des transports a adopté mes propositions pour avancer la fin des vignettes à 2023 pour les véhicules lourds et à 2026 pour les véhicules légers, afin d’accélérer la transition vers une tarification plus juste fondée sur la distance parcourue.
Concernant le principe du «pollueur-payeur», la commission des transports a voté pour l’application de redevances spécifiques liées aux normes de pollution à partir de 2021 pour les véhicules lourds et à partir de 2026 pour les véhicules légers. C’est une proposition qui permettra de mieux prendre en compte les coûts environnementaux et sociétaux dans la tarification des routes et qui permettra de garantir qu’environ 50 % du réseau routier transeuropéen sera couvert par le principe du «pollueur-payeur».
Parallèlement à l’application de ces deux grands principes, l’acceptabilité et la transparence des systèmes de péage se retrouvent au cœur de ce rapport.
Premièrement, tout au long de ces travaux, j’ai accordé une importance centrale aux dimensions territoriale et sociale des politiques de tarification des infrastructures routières. Et pour lutter contre la fracture territoriale, je propose d’introduire la possibilité de baisser le coût des péages pour les usagers fréquents, notamment en périphérie des agglomérations et dans les zones reculées. La directive actuelle ne donnait pas cette possibilité de différencier les tarifs des péages entre usagers fréquents et usagers occasionnels. C’est une avancée majeure que je propose pour garantir que les usagers qui n’ont d’autres choix que d’utiliser leur voiture quotidiennement pour se rendre au travail puissent bénéficier d’un tarif préférentiel par rapport aux usagers occasionnels.
Toujours en matière de cohésion territoriale, je propose également de donner plus de flexibilité aux États membres pour prendre en compte l’impact des péages sur les régions périphériques.
Deuxièmement, je suis convaincue que si l’on introduit un fléchage obligatoire des recettes des redevances pour lutter contre la dégradation des réseaux routiers et pour promouvoir la transition vers une mobilité durable, on renforcera l’acceptabilité des péages. L’incident tragique de l’effondrement du point Morandi à Gênes nous rappelle le manque cruel d’investissements dans l’entretien et la sûreté des infrastructures routières en Europe. Les propositions de mon rapport qui établissent un fléchage obligatoire permettront de garantir que les recettes des péages serviront bien à assurer la sûreté des infrastructures routières.
Pour conclure, j’aimerais rappeler l’importance d’aborder mon rapport comme un tout cohérent. Les propositions en matière d’application des principes du «pollueur-payeur» et de l’«utilisateur-payeur» ne sauraient être analysées sans tenir compte de toutes les propositions qui visent à renforcer l’acceptabilité et la transparence des péages.
Enfin, je tiens à remercier toutes les personnes et toutes les organisations avec qui j’ai eu des échanges constructifs pour aboutir à ce rapport équilibré et ambitieux.