Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, chers collègues, en septembre nous débattions déjà en plénière de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et la Corée. Nous avions déjà été nombreux à exprimer nos craintes quant aux conséquences négatives de cet accord, notamment sur le secteur automobile. Nous ne pensions pas que les faits nous donneraient raison aussi vite.
Le 21 janvier, Opel a annoncé la fermeture de son site d’Anvers, dont la production sera délocalisée en Corée du Sud. Faut-il croire que cette décision n’a rien à voir avec l’accord de libre-échange qui vient d’être négocié? Permettez-moi d’y voir un lien. En cette période de crise économique où les travailleurs sont les premiers à payer pour les erreurs des financiers, la Commission a la responsabilité de prendre en compte, plus que jamais, les conséquences sur l’emploi des accords qu’elle négocie.
Il n’est plus possible de donner une réponse simpliste à ces salariés, dont nous savons pertinemment qu’ils retrouveront difficilement un emploi. Nous ne pouvons pas leur dire que le commerce international est un jeu de gagnants et de perdants, et que, malheureusement, ce sont eux qui seront sacrifiés et que nous ne pouvons rien y faire.
Aujourd’hui, nous attendons de vous, Monsieur le Commissaire, des réponses. Nous souhaitons d’abord savoir si votre direction générale a évalué l’impact de cet accord sur l’emploi en Europe car je dois vous dire que le chiffre annoncé de manière gourmande, selon lequel les exportateurs européens feraient des bénéfices à hauteur de 19 milliards d’euros, ne nous convainc pas. D’où vient ce chiffre, sur quelle étude s’appuie-t-il? Mais, au-delà des effets positifs attendus, les effets négatifs ont-ils également été pris en compte?
Sur cet accord, un règlement sur les modalités de mise en œuvre des mesures de sauvegarde a été préparé par la Commission, notamment en ce qui concerne le duty drawback, qui constitue un avantage jamais concédé, même à nos partenaires commerciaux en développement. Les propositions avancées prévoient des procédures complexes pour invoquer et faire appliquer les clauses de sauvegarde.
Mais, je me rassure car, pour la première fois, le Parlement pourra prochainement se prononcer sur ce texte en codécision. Cependant, je tiens à souligner que le problème de l’emploi en Europe ne sera pas résolu par des mesures palliatives prises au cas par cas. C’est pourquoi je demande, avec l’ensemble de mon groupe, que soit enfin élaborée une véritable politique industrielle européenne, qui constitue une réelle stratégie pour l’avenir de nos industries.
Dans un contexte de crise économique et de concurrence mondiale exacerbée, cette politique industrielle doit être efficacement coordonnée avec la politique commerciale commune afin que nos accords de libre-échange ne soient pas source de destruction d’emplois en Europe.
Un second sujet sur lequel nous attendons des éclaircissements, c’est celui du protocole sur la coopération culturelle, inclus dans l’accord. Plusieurs États membres ont réagi très vivement aux négociations engagées avec la Corée, un pays qui n’a pas ratifié la convention de l’Unesco sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles.
Je dénonce le principe même de l’ouverture de négociations sur ce thème et je considère que les questions culturelles doivent être gérées indépendamment des négociations commerciales et mises entre les mains du commissaire en charge de la culture afin d’éviter que ce sujet constitue un élément de négociation au même titre que des biens ou services classiques.
Pour conclure, Monsieur le Commissaire, vous savez à quel point il est essentiel que les députés soient pleinement informés des négociations en cours et associés à tous les stades, y compris dès la définition du mandat de négociation. Au-delà des divergences d’approche que nous avons, je voudrais souligner qu’une meilleure information du Parlement en amont aurait facilité notre compréhension de la stratégie poursuivie.
J’espère donc pouvoir compter sur votre soutien et celui de votre Commission pour faciliter notre futur travail, chacun dans ses responsabilités, mais toujours au service d’une politique commerciale plus communautaire, à l’évidence, mais surtout plus juste.