Pervenche Berès, rapporteure. − Monsieur le Président, Madame la Présidente du Conseil, Monsieur le Commissaire, cela fait un quinquennat que le Conseil européen de printemps va se tenir dans une ambiance de crise.
C’est le cinquième Conseil européen sous ambiance de crise et où, manifestement, se poursuit la logique qui voudrait que de l’austérité naîtra la croissance. Il me semble qu’il est sans doute temps de faire le bilan et de reconnaître que c’est la récession qui naît de l’austérité et pas la croissance.
Or, nous sommes aujourd’hui réunis pour parler d’un document que la Commission verse aux travaux du Conseil européen, qui s’appelle examen annuel de croissance! Reconnaissez qu’il y a là quelque chose qui ne fonctionne pas et qu’il est temps de changer la donne.
D’abord, au nom de notre institution, du Parlement européen, permettez-moi de vous dire que nous sommes, ici, en déni absolu de démocratie, car que se passe-t-il? Le Conseil européen de printemps adopte les orientations qui, ensuite, vont s’imposer aux États membres pour définir leur stratégie de politique économique. Sur quelle base, le Conseil européen de printemps se prononce-t-il? La Commission essaie d’apporter sa contribution dans une orientation qui ne nous convient pas, mais elle met sur la table un document communautaire qui s’appelle l’examen annuel de croissance. Pendant ce temps-là, le Conseil, lui, va élaborer le pacte euro plus sur la base d’un bout de papier rédigé par la chancelière Merkel et le Président Sarkozy, puis endossé par les autres institutions.
En démocratie, la façon dont les grandes orientations de politique économique sont définies constitue le socle du pacte social. C’est la raison pour laquelle nous nous battons pour que ce Parlement ait voix au chapitre. Nous nous proposons de le faire sur la base de ce que la Commission continue à appeler un examen annuel de croissance, que nous demandons à transformer en une orientation annuelle de croissance.
Nous demandons à la Commission de regarder les choses en face. Peut-on dire que cet examen annuel de croissance permettra de faire vivre les contradictions potentielles entre le pacte de stabilité et la stratégie Europe 2020?
Tant le rapport de M. Gauzès que le rapport de Mme Cornelissen – je remercie nos deux collègues pour l’esprit de coopération avec lequel nous avons pu travailler – vous invitent à marcher sur deux pieds et, pour marcher sur deux pieds, il faut parfois tordre le cou à l’austérité et au pacte de stabilité, car sinon nous ne parviendrons pas à mettre en œuvre la stratégie Europe 2020.
Nous demandons aussi une approche équilibrée des situations économiques. Cela signifie que, lorsqu’il y a des déséquilibres au sein de l’Union européenne, il faut regarder du côté des déficits et du côté des excédents.
Madame la Présidente du Conseil, je vous l’ai dit, pour nous le pacte euro plus n’est pas une base de négociation. Madame, regardez les chiffres, tout le monde aujourd’hui, à l’échelle européenne, est en situation de difficulté. Avez-vous vu le chiffre de l’OCDE sur les perspectives de croissance en Allemagne pour l’année 2012? 0,4 %. C’est bien la preuve que même l’économie la plus vertueuse de l’Union européenne ne peut pas supporter la situation de récession dans laquelle la politique de ce quinquennat mène la zone euro et l’Union européenne dans son ensemble.
Puis, regardez la façon dont vous gérez les outils de l’Union. Le Fonds social européen est mis à toutes les sauces. D’un côté, vous voulez en faire un outil pour appliquer des sanctions macroéconomiques et, de l’autre, lorsqu’il faut inventer des emplois pour les jeunes, vous voulez mobiliser le Fonds social européen. Il faut résoudre ces contradictions et, pour le faire, je vous invite à regarder les rapports que cette Assemblée vous propose comme contribution du Parlement européen aux travaux du Conseil de printemps.
J’espère que, par la voix de notre Président lorsqu’il s’exprimera devant vous, ces lignes directrices, que ce soit dans le domaine économique ou dans le domaine de l’emploi, pourront améliorer votre feuille de route car sinon ce sera une impasse pour la démocratie et pour les Européens.
Pervenche Berès, rapporteure − Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, vous avez dit que le Parlement européen avait accepté de ne pas changer les lignes directrices. Soit, mais nous aimerions bien que les lignes directrices soient mises en œuvre et, dans nos rapports, nous vous faisons un certain nombre de propositions pour vous donner les moyens de surveiller cette mise en œuvre.
En particulier, je retiendrai une proposition, celle de travailler avec les États membres à une nomenclature budgétaire qui permette de vérifier quelle est la contribution des États membres, par exemple, à la réalisation des objectifs de la stratégie 2020 plutôt qu’à des dépenses militaires ou que sais-je encore.
Madame la Ministre, je vous remercie de votre disponibilité. Vous avez indiqué que, lors de l’ECOFIN du 21 février, vous rendrez compte de ce débat et des travaux de ce Parlement. C’est exactement ce que nous souhaitons. C’est dans cet esprit-là que nous souhaitons faire avancer la démocratie européenne et c’est dans cet esprit-là aussi que nous rencontrerons les 27 et 28 février des représentants de l’ensemble des parlements nationaux pour que, dans ce semestre européen, la dimension démocratique puisse vivre également.
Enfin, Madame la Ministre, permettez-moi de vous appeler, lors de ce Conseil ECOFIN, à tenir compte de la même manière de la nouvelle étude d’impact que la Commission doit rendre publique demain, s’agissant de l’évaluation de la taxation des transactions financières.