Le Parlement européen a adopté par une majorité écrasante de 501 voix pour, 67 contre et 50 abstentions le rapport rédigé par l’eurodéputée socialiste française Pervenche Berès pour la commission spéciale du Parlement européen sur la crise financière, économique et sociale.
Le rapport de Pervenche Berès appelle la Commission à cesser de se contenter d’encadrer les politiques nationales de libéralisation des marchés. Pour enfin être perçue par les citoyens européens comme un espace politique de valeur ajoutée à leur service, l’Union européenne doit pleinement exercer les responsabilités qui sont les siennes dans le domaine des compétences partagées. « Le premier champ d’expérimentation de cette nouvelle gouvernance doit prendre la forme d’une réelle communauté européenne de l’énergie » indique Pervenche Berès.
A une très large majorité, les eurodéputés appellent à tirer les conséquences de cette ambition en dotant l’Union des moyens et instruments financiers lui permettant de faire face à ses responsabilités. Cela passe par la création d’obligations européennes, par la taxation des transactions financières et par la lutte contre l’évasion fiscale et les paradis fiscaux.
Alors que la crise que nous traversons depuis l’été 2007 aura couté 60 trillions de dollars, et que la reprise n’est pas acquise, le Parlement européen a voulu, par ce vote, faire la démonstration que responsabilité politique et ambition peuvent aller de pair. A la cacophonie entre Commission, groupe de travail Van Rompuy et tandem Merkel-Sarkozy sur la gouvernance économique, le Parlement oppose une proposition limpide: celle de la création d’un M/Mme Euro en charge de la cohérence interne et externe des choix de politique économique de l’Union.
« Ce rapport dresse les bases d’un programme législatif qui met l’Union européenne en ordre de marche pour une croissance soutenable d’un point de vue social et écologique. J’appelle les Présidents Barroso et Van Rompuy à se l’approprier afin de ne pas arriver les mains vides au prochain sommet du G20 à Seoul ».
Intervention de Pervenche Berès : Préparatifs du Conseil européen et du sommet du G20 et rapport de la commission Crise financière, économique et sociale, et débat sur l’amélioration de la gouvernance économique et du cadre de stabilité de l’Union
Pervenche Berès, rapporteure. – Monsieur le Président, Monsieur le Président de la Commission, Monsieur le représentant du Conseil, la crise financière, économique et sociale que connaît le monde depuis maintenant plusieurs années va coûter 60 trillions de dollars à l’échelle mondiale, soit un point de croissance annuelle. Cela nous oblige. Elle va se traduire par un taux de chômage dans notre Union européenne de 11 % d’ici la fin de l’année. Elle se traduit au moment où la guerre des monnaies se réveille par un risque de récession et d’une situation en W, comme disent nos économistes.
Face à cette situation, j’ai perçu, dans ce Parlement, un sentiment de responsabilité pour envoyer un message fort aux autres institutions, à la Commission et au Conseil, pour dire que nous devons nous remobiliser autour de la valeur ajoutée du projet européen, et que cela tient en quelques mots: nous avons une responsabilité collective et nous avons, à l’échelle de l’Union européenne, à mettre en œuvre une stratégie qui nous permette, dans le domaine de l’énergie, d’être forts à l’intérieur pour être forts à l’extérieur. Nous devons compter sur nos propres forces et pour cela, nous avons besoin du niveau européen.
Mais, Monsieur le Président de la Commission, la gouvernance économique pour nous n’est pas une vision. Elle est un moyen au service de cette stratégie. Et autour de cette stratégie, nous définissons les moyens nécessaires. Ce sont d’abord des moyens financiers. C’est l’enjeu de la mise en phase de la révision des perspectives financières avec cette mobilisation autour d’une stratégie pour une Communauté européenne de l’énergie. C’est la nécessité de mobiliser une proposition que vous refusez: la taxation des transactions financières. C’est la nécessité de lancer un grand emprunt européen pour financer les investissements à long terme. C’est la nécessité de rééquilibrer la fiscalité en Europe pour qu’elle soit plus favorable au travail, à l’emploi, et moins au capital, qu’elle soit respectueuse de l’environnement. C’est la nécessité de coordonner les budgets des États membres avec le projet européen pour que les efforts soient convergents.
En termes de gouvernance, nous proposons la création d’un « Monsieur Euro », qui permette effectivement d’avoir une gouvernance économique harmonieuse, équilibrée. Nous proposons aussi de ne pas nous concentrer sur la seule situation des pays en déficit mais de l’équilibrer avec la prise en compte des pays en surplus. Nous proposons également que dans une zone monétaire unique, on gère aussi comme un bien commun la dette et que nous puissions envisager des émissions mutuelles de dettes. Nous souhaitons que la réforme financière à laquelle vous travaillez tant, Monsieur le Président de la Commission, s’organise autour des besoins des Européens et non pas des seuls objectifs de la stabilité financière. Nous voulons une réforme des marchés financiers qui remette à l’œuvre les notions d’éthique et de valeur morale, qui soit utile à la création d’emplois et aux investissements à long terme.
Aucun projet européen ne peut se faire contre les États membres. Le seul moyen pour l’Union européenne de faire valoir ce qu’elle a de mieux, c’est de donner envie aux États membres, et ce n’est pas avec un débat uniquement organisé autour de l’ornière des sanctions que vous redonnerez envie aux Européens d’être mobilisés avec leurs États membres autour du projet. Ce que nous demandons, c’est une mobilisation forte autour de la valeur ajoutée du projet européen pour sortir les Européens de cette crise et assurer que, demain, tout le monde en Europe aura un emploi, sortira de la pauvreté et pourra à nouveau faire confiance au projet européen.
Voilà notre ambition. J’espère, Monsieur le Président de la Commission, que vous pourrez la partager et reprendre nombre des propositions que nous faisons ici, au nom de l’ensemble de cette Assemblée.
(Applaudissements)
2ème intervention de Pervenche Berès
Pervenche Berès, rapporteure. – Monsieur le Président, merci aux collègues de leurs interventions, de leur contribution. Je voudrais rebondir sur deux ou trois d’entre elles.
D’abord à M. Zīle. Je pense que ce qu’il a dit est très important lorsque nous allons réformer la politique de cohésion. Nous devons faire le bilan de cette politique de cohésion, vérifier si, au cours des années qui se sont écoulées depuis l’adhésion, le pari que les déséquilibres internes pourraient être corrigés en partie par le fonctionnement de ces fonds s’est avéré juste, et faire un bilan avec objectivité pour en tirer les enseignements pour demain.
Beaucoup de collègues – et je les en remercie – sont intervenus sur la question de la représentation de l’Union européenne et de la gouvernance mondiale. C’est un point tout à fait stratégique pour notre Union européenne, encore une fois à un moment où la guerre des monnaies paraît prête à se déchaîner. Nous avons besoin d’unir les voix des Européens à l’intérieur et aussi à l’extérieur. Sur la base de notre force intérieure, soyons forts et unis à l’extérieur dans nos représentations.
Puis, en écho à ce qu’a dit mon collègue, Robert Goebbels, oui, le G20 n’est pas la solution à laquelle nous aspirons in fine pour une gouvernance mondiale, où chacun peut avoir sa place et qui permet d’avoir les instances d’arbitrage dont nous avons besoin. C’est en écho à l’intervention du Secrétaire général des Nations unies, hier, qu’il nous faut trouver les voies d’avenir au sein des Nations unies, par une réforme profonde de cette instance et de sa gouvernance.
Un mot, enfin, Monsieur le Président, pour conclure ce débat en redisant, en écho à ce que disait mon collègue, M. Lamberts, sur les investissements publics. Nous demandons dans notre rapport que la Commission examine de façon annuelle les besoins d’investissements publics et privés et que nous ayons un tableau de bord qui nous permette effectivement d’avoir une stratégie d’investissement à long terme au service de l’emploi, et donc des citoyens européens, une stratégie qui soit fondée sur une durabilité de nos visions et un concept de solidarité qui est au cœur de l’Union européenne.
(Applaudissements)
Interview de Pervenche Berès dans les DNA