Isabelle Thomas (S&D). – Monsieur le Président, Madame la Commissaire, Monsieur le Représentant du Conseil, vous constatez comme moi la difficulté persistante dans laquelle se trouve le budget communautaire depuis que la crise de 2009 a éclaté. Les ressources de l’Union sont plus que jamais nécessaires à l’investissement, surtout quand les États sont soumis à l’austérité.
Or, le budget de l’Union ne cesse de diminuer. Nous l’avons déploré lors des négociations sur le cadre financier pluriannuel et nous luttons chaque année contre les coupes supplémentaires du Conseil dans les exercices budgétaires. Les États membres sont désormais prisonniers de leurs choix austéritaires. Pire, nous sommes depuis quelques années face à un « Conseil de mauvais payeurs », dans une mécanique qui confine à l’absurde. Les États membres sous-estiment leurs remontées de factures, décalent leurs paiements et nient leurs engagements signés avec les citoyens européens que nous représentons; une ambition étriquée et falote où leur contribution au budget de l’Union devient une variable d’ajustement, alors même qu’il s’agit d’investissements de long terme.
Depuis 2010, nous sommes dans une tension croissante à chaque exercice budgétaire et aujourd’hui, la Commission européenne nous propose un troisième budget rectificatif à hauteur de 4,7 milliards d’euros dont 4 milliards environ seraient composés du nouveau dispositif introduit par le CFP, la réserve pour imprévus. Première année d’existence de ce correctif et déjà un imprévu! N’est-ce pas là une preuve du manque de sincérité de la part des États membres dans les négociations budgétaires de l’Union?
En parallèle, la Commission nous propose deux autres budgets rectificatifs, cette fois-ci au crédit de la communauté. Ce qui au final ne devrait porter la contribution des États membres qu’à une centaine de millions d’euros. Et pourtant certains s’opposent à l’application de ce nouveau dispositif. Cette crise des paiements n’est donc ni mineure ni ponctuelle. C’est un symptôme. Le symptôme d’une Europe malade. Le symptôme d’un système budgétaire dépassé qui confine à l’absurde. L’Union européenne doit se doter de nouvelles ressources propres, ne plus dépendre du chantage des États membres.
Nous, socialistes européens, sommes par exemple favorables depuis longtemps à la taxation des transactions financières mais nous devrons aller au-delà. Nous devons faire de notre budget, de ses dépenses et ses recettes, un instrument politique de croissance durable, de cohésion et de justice sociale.
Cette crise, c’est aussi le symptôme de l’échec de la politique austéritaire. Les mêmes États membres qui prônent la vertu budgétaire multiplient les contorsions et les jeux d’écriture pour ne pas appliquer la politique qu’ils ont eux-mêmes décidée! Oui, bien sûr il faut du sérieux budgétaire! Et ce sérieux, ce devrait être des États qui paient leurs factures, qui ne mettent pas en danger des milliers d’entreprises, d’associations, de collectivités publiques en Europe. Ce ne devrait pas être cette insupportable austérité qui détruit le modèle social européen et condamne les États de l’Union à des demi-mesures face à la crise la plus importante que connaît notre continent depuis 70 ans.
Cette crise des paiements, c’est surtout le symptôme d’une Europe malade de son ultralibéralisme, de cette disparition organisée et voulue de la puissance publique, de cette foi absolue et irraisonnée dans le marché. On attend l’investissement privé comme un Messie qui ne vient jamais! Pourtant, l’Europe a besoin d’investissements. Pour soutenir l’économie, pour lutter efficacement contre le chômage, notamment chez les jeunes, pour préparer l’incontournable croissance verte. Et pour cela, il faut une puissance publique forte et souveraine.
La crise des paiements comme les élections du 25 mai marque un impératif. Nous avons cinq ans pour changer de cap.