Isabelle Thomas, rapporteure. − Monsieur le Président, Madame la Commissaire, chers collègues, le Parlement européen exprimera demain sa position sur la proposition d’alignement du règlement de contrôle de la pêche sur le traité de Lisbonne. Ce règlement de contrôle est le garant du respect des règles de la politique commune de la pêche.
Dans sa proposition, la Commission européenne reclasse les compétences conférées sous l’ancienne procédure de comitologie en les répartissant entre actes délégués et actes d’exécution. D’apparence très formelle, cette répartition mérite réflexion.
En effet, si les critères de répartition de ces compétences sont établis par le traité, dans la pratique nous sommes confrontés à une vaste zone grise qui contraint à un arbitrage politique, d’ailleurs conféré au législateur. On oublie souvent, à tort, que la répartition des pouvoirs institutionnels de l’Union redéfinie à Lisbonne est un processus en cours et que ces règlements d’alignement d’apparence technique en sont le prolongement.
La proposition de la Commission tranche presque systématiquement pour des actes délégués, et on nous dit que, ces actes délégués étant sous contrôle a posteriori du Parlement, ce dernier en garde la compétence.
Chers collègues, je vous invite à la prudence car, aujourd’hui, le Parlement ne dispose ni des moyens humains ni des procédures nécessaires pour effectuer sérieusement ce contrôle a posteriori. Sans ces deux conditions, l’esprit du traité sera dévoyé.
De la même manière, nous attirons l’attention de la Commission sur l’avis que nous ont rendu les services juridiques du Parlement à notre demande. La « lisbonnisation » doit, certes, vérifier la conformité des textes avec le traité, mais si cette conformité concerne les articles 290 et 291, elle concerne également la charte des droits fondamentaux figurant en annexe du traité.
J’en appelle à la Commission pour qu’elle confirme au Parlement, dans ses travaux futurs d’alignement, que cette vérification juridique a été faite.
Pour ce qui concerne le règlement de contrôle de la pêche, j’ai défendu deux points.
Le premier a trait au besoin d’une mise en œuvre uniforme du règlement. Ce besoin de cohérence, partout en Europe, m’a conduite à défendre la proposition de la Commission de privilégier les actes délégués pour que les pêcheurs de San Benedetto del Tronto, de Loch Inver, de Vigo, de Baltimore, de Hull, de Skagen ou du Guilvinec n’éprouvent aucune injustice, grâce à un règlement de contrôle mis en œuvre uniformément.
En second lieu, j’ai suivi la Commission et défendu l’idée qu’il s’agissait exclusivement d’une « lisbonnisation », soit d’un alignement juridique, ne devant servir de prétexte à une révision du règlement de contrôle de la pêche. Cette demande était d’autant plus fondée que la réforme de la politique commune de la pêche impliquait une révision ultérieure du règlement de contrôle.
Malgré les demandes nombreuses de mes collègues donnant lieu à des amendements au fond, je m’en suis tenue – et c’est le sens du compromis – à une liste de préconisations adressées à la Commission afin qu’elle les prenne en compte dans son futur règlement de contrôle.
Par conséquent, Madame la Commissaire, je regrette amèrement que la Commission revienne aujourd’hui vers nous avec une proposition qui n’intègre aucune de ces demandes.
En effet, la Commission nous a, tout récemment, communiqué sa proposition d’un texte omnibus pour adapter le contrôle à l’exigence du débarquement des rejets, ce qui est tout à fait normal, conformément à la politique commune de la pêche, mais sans procéder aux ajustements intelligents et cohérents du règlement de contrôle. Ces ajustements pourraient prendre en compte, à la fois, l’ensemble de la réforme et les remarques de fond de mes collègues, souvent remontées du terrain et surtout du quotidien des pêcheurs. Au lieu de cela, nous avons une révision en tranches de salami: tantôt le débarquement, tantôt la collecte des données… Le contrôle est un tout qu’il ne convient pas de saucissonner. Sinon, les débats au Parlement se trouvent tronqués, a fortiori quand on nous demande de légiférer dans la précipitation.
Encore une fois, le règlement de contrôle, c’est le quotidien des pêcheurs. La Commission a eu le temps nécessaire pour préparer sa proposition. Cependant, et malgré cet indicible sentiment d’irrespect, je maintiendrai mes engagements envers ce compromis, sans préjuger de ce que deviendra le débat sur le contrôle.
Isabelle Thomas, rapporteure. − Monsieur le Président, je voudrais d’abord remercier mes collègues et essayer de rassurer M. Romeva i Rueda, même s’il est parti, en lui disant que rien n’a changé dans ce texte par rapport au règlement de contrôle. Nous n’avons répondu qu’à une question, à savoir: comment se fait la mise en œuvre? Se fait-elle par acte d’exécution ou par acte délégué?
Je voudrais dire aussi à M. Ferreira que ce qui fait le plus de mal sur nos littoraux, c’est le sentiment, parfois injustifié d’ailleurs, que dans d’autres ports, le contrôle n’est pas appliqué de la même manière.
Je ne reprendrai pas tous les arguments de mes collègues, que je partage. Je voudrais vous remercier, Madame la Commissaire, de vos précisions. Malheureusement, je constate que nous sommes toujours dans le flou sur la question de la révision.
Je voudrais vous dire aussi que ce dont nos pêcheurs ont besoin, ce sont des règles qui soient bien sûr appliquées et, pour ce faire, qu’elles soient connues, cohérentes et qu’elles ne changent pas tous les quatre matins. Si vous changez de règle tous les jours – une fois la collecte des données il y a quelque temps, les rejets en 2013, peut-être une révision en 2015 – le risque, c’est qu’il y ait non seulement saturation mais aussi exaspération et que les pêcheurs en soient les victimes.
J’ai espoir pour eux et pour l’efficacité de notre réforme et de notre règlement de contrôle que vous prendrez note de nos observations, comme vous l’avez dit d’ailleurs, Madame la Commissaire, et je vous en remercie,.