Isabelle Thomas, rapporteure. – Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, mes chers collègues, nous nous retrouvons à la veille du vote de la révision du cadre financier pluriannuel 2014-2020.
Nous avons croisé des vents contraires, évité quelques hauts-fonds, subi des calmes plats pendant des mois d’immobilisme, essuyé aussi quelques bourrasques et nous avons résisté aux sirènes qui nous chantaient que nous n’arriverions jamais à bon port. Nous avons pourtant gardé le cap et sommes en train de toucher le quai. Le voyage aurait certes pu être plus paisible et nous aurions pu ramener davantage de poissons dans nos cales, mais nous avons atteint l’objectif: la révision du cadre financier.
En effet, si la programmation budgétaire étendue sur sept ans permet à chacun, région, État, laboratoire de recherche, etc., d’accéder aux programmes européens avec sérénité, et aussi avec visibilité et efficacité, cet exercice devient de plus en plus difficile. D’abord, parce qu’en 2013, nous avons acté un cadre financier sous-dimensionné pour les années 2014-2020, ensuite parce que la durée nous implique que les dernières factures arrivent en 2023, mais surtout parce que dans la période instable où nous sommes, il est devenu impossible de se projeter sept ans à l’avance et de répondre aux imprévus et aux évolutions profondes. Les députés européens avaient eu cette lucidité, puisque dès 2013, ils avaient obtenu la possibilité d’une révision à mi-parcours. Il ne s’agissait pas d’un caprice, on le voit bien, mais simplement d’une vision et d’une analyse réalistes sur le sous-dimensionnement du budget et sur l’évolution d’un monde qui va de plus en plus vite.
En 2013, le phénomène migratoire, le Brexit, les attentats, les visées impérialistes de Vladimir Poutine et l’élection de Donald Trump n’étaient pas d’actualité. La vérité est que notre cadre est aujourd’hui obsolète. Pour commencer à répondre à ces défis, il fallait une révision du cadre financier. Bien évidemment, ce qui nous est proposé ne répondra pas à tous les problèmes et à toutes les questions. Ce n’est qu’un petit pas, mais dans la bonne direction, et je souhaiterais en remercier la Commission.
Ce pas en avant, c’est celui qui permet de débloquer jusqu’à six milliards d’euros pour les Européens, jusqu’à trois milliards pour la flexibilité, avec 516 millions d’euros supplémentaires pour l’instrument de flexibilité, 80 millions pour la réserve d’aide d’urgence et jusqu’à 2,4 milliards d’euros de réutilisation de crédits non alloués qui viendront s’ajouter à l’instrument de flexibilité.
Des renforcements budgétaires sont prévus – vous les connaissez – pour la lutte contre le chômage des jeunes, l’accueil des réfugiés, et 2,5 milliards d’euros sont prévus pour la sécurité des Européens. Mais contrairement à nos attentes, cette révision ne prévoit ni relèvement des plafonds de dépenses, ni solutions suffisantes pour éviter une nouvelle crise des paiements et, enfin, elle n’évoque pas malheureusement le sujet des ressources propres, pourtant indispensables si l’on veut stopper le cercle infernal de la pénurie budgétaire. Toutefois, nous sommes satisfaits. Ce texte inscrit dans le marbre le principe d’une révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel démontrant ainsi son utilité et créant un précédent, une étape obligée pour l’avenir.
Nous avons voulu avec mon collègue, M. Olbrycht, corapporteur, ajouter une déclaration afin qu’il n’y ait aucune ambiguïté sur notre interprétation des déclarations proposées par le Conseil. En clair, jamais le Parlement ne renoncera à la moindre parcelle de son pouvoir, ni de son autorité budgétaire définie par le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Bien sûr, la Commission restera la garante du respect plein et entier des prérogatives budgétaires de chacun.
Ainsi, nous abordons les prochains budgets en tenant compte des enjeux et des priorités. Le Parlement a toujours été et restera clair sur son interprétation du cadre financier: «por límite el cielo», je ne suis pas très bonne en espagnol mais, comme l’écrivait Cervantes, «le ciel pour limite», c’est-à-dire les plafonds et seulement les plafonds du cadre financier dans son ensemble, cela va de soi.
Cette révision est une étape importante, mais ne nous berçons pas d’illusions. Si c’est effectivement une bouffée d’air budgétaire, un moment de répit, ce n’est pas la solution espérée à toutes les difficultés budgétaires qui nous assaillent. Nous avons signalé, lors de l’examen de révision, le décalage entre les nouvelles priorités et l’état des moyens réels de l’Union. Ce n’est pas un point final aux questions budgétaires jusqu’en 2020. Non, cette révision est un renfort sur une construction jeune, mais que ces dernières années ont durement éprouvée.
Isabelle Thomas, rapporteure. – Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, Monsieur le Ministre, chers collègues, à l’occasion de cette dernière étape, je voudrais évidemment remercier Mme la commissaire Georgieva, qui nous a accompagnés au début du processus, tout comme le commissaire Oettinger, qui a facilité sa conclusion.
Je tiens également à remercier la Présidence slovaque ainsi que la Présidence maltaise et les représentants des États membres, qui ont joué un rôle décisif dans cette entreprise, même si – et je leur pardonne –, ils nous ont glissé une petite peau de banane à la fin du processus. Je voudrais aussi remercier mes collègues du Parlement, ceux d’aujourd’hui, mais aussi ceux qui, en 2013, ont fait germer le projet de la révision, et ceux qui, avec la constance du jardinier, l’ont fait éclore.
Dommage que M. Kölmel soit parti, car je voulais lui dire que je souhaite à mon tour que le Parlement fasse preuve de courage. Le courage, comme disait Jean Jaurès, «c’est de chercher la vérité et de la dire». La vérité sur le budget de l’Union consiste à dire qu’il n’est pas en adéquation avec les priorités affichées. Dire la vérité, c’est déclarer que pour peser sur le monde, nous avons besoin d’une Europe puissante, c’est affirmer qu’avec un budget inférieur à 1 % du PIB, le budget n’est encore qu’une goutte d’eau qui ne permet pas de peser de toute sa puissance. Dire la vérité, c’est aussi dire que l’Union risque de mourir de l’immobilisme et de la frilosité des gouvernements, et que si nous ne retrouvons pas une structure budgétaire composée principalement de ressources propres pour un budget authentiquement européen, nous n’y parviendrons pas. Mais cela sera examiné par nos rapporteurs sur les ressources propres, auxquels je souhaite le plus grand courage.