Isabelle Thomas, rapporteure. – Madame la Présidente, Madame la Commissaire, chers collègues, je voudrais tout particulièrement remercier mon corapporteur, Jan Olbrycht. Nous avons, je crois, travaillé dans le respect de nos convictions, mais avant tout dans l’intérêt des citoyens européens, et mes remerciements, évidemment, vont également à tous les rapporteurs fictifs, qui ont enrichi le texte, et à la commission des budgets, notamment à son président.
Lors de la négociation du cadre financier pluriannuel 2014-2020, le Parlement avait arraché l’obligation de procéder, avant la fin 2016, à un réexamen budgétaire et, si nécessaire, à une révision. C’est pour préparer la position du Parlement et un petit peu aiguiller la Commission que la commission des budgets a pris l’initiative d’un rapport sur cette révision.
Dans une Europe qui tangue, qui doute et qui attend qu’on lui propose un nouveau cap, ce texte se conçoit comme un révélateur, où le Parlement pose un diagnostic lucide et clair sur la situation budgétaire. Et ce rapport tire la sonnette d’alarme: il faut répondre de manière urgente et utiliser cette révision pour se poser les questions qui permettront d’établir un budget à la hauteur des enjeux. Le chômage des jeunes, les crises migratoires, la crise des réfugiés, la COP 21, les crises agricoles, le sous-investissement, la sécurité intérieure: malheureusement, ces deux dernières années, les nouveaux défis et de nouvelles urgences ont rendu caduc le cadre financier pluriannuel voté en 2013.
Ce rapport pose un regard lucide sur la situation. Quelle est-elle? Le cadre financier pluriannuel ne répond plus aux priorités, ses limites sont atteintes, tous les instruments de flexibilité ont été sollicités pour faire face aux différentes crises et, sans révision, nous continuerons à déshabiller Pierre pour habiller Paul. Des coupes dans les programmes essentiels ont été faites – c’est le cas dans Horizon 2020, c’est le cas dans Connecting Europe Facility – et un gel des engagements destinés à la lutte contre le chômage des jeunes a été décidé, tandis que les plafonds, notamment ceux de la rubrique 3, ont explosé.
Je crois pouvoir dire que ce rapport refuse les raccommodages entre trust funds et facilités. Il refuse que la multiplication des instruments financiers devienne la règle au détriment du contrôle démocratique qui s’étiole. Et puis, bien sûr, il y a les paiements: la crise des paiements s’annonce pour la fin de la période. Si nous ne procédons pas à des changements, nous devons cesser de faire l’autruche et de fuir nos responsabilités face à cette situation.
Il en va de la crédibilité de nos institutions et, plus grave encore, de la situation de tous ceux qui attendent ces fonds, que ce soient les collectivités territoriales, les entreprises ou encore les étudiants à mobilité Erasmus qui se retrouveraient à attendre que l’Union européenne puisse payer ce qui leur est dû. Ce déficit caché de l’Union est contraire au traité et ce rapport le pointe: l’ajustement des plafonds de paiement nous éviterait de tomber dans les errements que nous avons connus lors des dernières années du cadre financier précédent.
La commission des budgets a voté à une large majorité une longue liste de préconisations. Nous l’avions demandée dès la mise en place du plan Juncker. Les coupes budgétaires de 2,2 milliards d’euros dans le programme Horizon 2020 et de 2,8 milliards d’euros dans le programme Connecting Europe Facility doivent être intégralement compensées par l’augmentation des plafonds d’engagement et de paiement dans cette rubrique.
Aux mêmes causes les mêmes effets. Comment peut-on accepter qu’il n’y ait plus de crédits d’engagement jusqu’en 2020 en faveur d’initiatives pour l’emploi des jeunes, alors que ce mal que constitue le chômage des jeunes nous ronge? La Commission ne peut continuer à nous opposer son évaluation tardive, d’abord parce que nul ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes, mais surtout parce que l’évaluation de ce programme ne fera pas disparaître les besoins en moyens d’action. Il est donc prioritaire de revoir les plafonds de la rubrique 1B, au moins à la hauteur de ce que nous avons fait pour les deux années de lancement, soit 3 milliards d’euros par an. Il en va de même pour la sécurité intérieure, pour les promesses faites lors de la COP 21, pour la crise des réfugiés ou encore pour les crises agricoles.
Mes chers collègues, combien d’exit, combien de cris d’alarme faudra-t-il pour que nous prenions nos responsabilités? À travers ce rapport, le Parlement décidera demain s’il mesure ou pas la gravité de la situation et nous sommes très clairs: nous voulons que la révision soit présentée rapidement pour mener, en parallèle, les négociations sur le budget 2017.
Isabelle Thomas, rapporteure. – Madame la Présidente, je voudrais remercier les collègues de leur soutien et Madame la Vice-présidente de la Commission pour son écoute.
Si je prends les quatre points qui m’ont semblé revenir en écho parmi les collègues, je dirais, premièrement, Madame la Vice-présidente, qu’il y a ici une large majorité en faveur d’une révision, et non d’un ajustement technique. C’est le moment parce que le cadre financier pluriannuel est obsolète, et parce que la situation historique l’impose.
Deuxième point: vous l’avez constaté, Madame la Vice-présidente, les nouveaux outils financiers – j’espère que ce n’est pas ce que vous appelez « modernisation » – inquiètent un peu le Parlement, pas seulement pour des raisons de contrôle démocratique – même si je vous remercie de la proposition d’inviter le Parlement à siéger ou à mettre son nez, en tout cas, dans ces fonds –, mais aussi parce que nous ne voulons pas d’une mutation du budget en fonds de garantie, et nous serons très précautionneux sur ce point.
Troisième point: nous avons effectivement une nouvelle donne, à savoir le départ du Royaume Uni. J’ai demandé ce matin au Président Juncker que la Commission évalue rapidement les incidences budgétaires du départ du Royaume Uni, de son chèque et des rabais, parce qu’il y a aussi la question des rabais dont nous avons parlé dans le rapport.
Quatrième point: les causes. Beaucoup de collègues l’ont dit, les causes du problème sont dans la structure des ressources budgétaires. Il y a une vingtaine d’années, nous avions un budget constitué à 75 % de ressources propres et à 25 % de contributions des États membres. Aujourd’hui, plus de 80 % du budget provient des contributions des États membres et moins de 20 % des ressources propres.
Il y a là un énorme chantier, Madame la Commissaire, que nous souhaitons vraiment ouvrir parallèlement à ces discussions, car nous ne sommes qu’au début d’une grande histoire entre nous, celle de la refonte en profondeur du budget du cadre financier pluriannuel et des ressources propres qui pourront enfin permettre que, à la fin de chaque année, nous ne soyons pas des mendiants vis-à-vis du Conseil.