Les eurodéputés socialistes et radicaux se félicitent que le débat politique sur l’Europe occupe le devant de la scène, qu’il remplace le débat réducteur entre pro-européens d’un côté, europhobes de l’autre et que le Président de la République engage de plain-pied la France pour être présente dans ce débat au lendemain des élections allemandes. Les sociaux-démocrates français n’ont jamais hésité à dénoncer les erreurs de l’Union européenne et celles de ses États membres et ont toujours affiché clairement leur ambition en faveur d’une Europe forte et solidaire, portant les propositions politiques qui en découlent.
Avant-hier, ils ont attentivement écouté le discours d’Emmanuel Macron à la Sorbonne. Beaucoup des propositions s’inspirent des travaux des progressistes au Parlement européen, autant de chantiers pour négocier un équilibre global entre partenaires, nous nous en réjouissons.
Mais au-delà d’un volontarisme certain pour l’Europe, nous prenons rendez-vous pour que les actes suivent à la parole. Or jusqu’ici, sur la question budgétaire, la parole portée par le gouvernement français à Bruxelles contredit l’ambition affichée dans ce discours du Président, comme dans celui d’Athènes, et la France fait toujours partie des États qui s’opposent à toute augmentation du budget communautaire.
Sur la zone euro, Emmanuel Macron a eu raison de dire l’urgence d’agir, la consolidation de la monnaie commune est dans l’intérêt des 27. Il a aussi eu raison de souligner le rôle du Parlement européen comme organe de contrôle démocratique. Il reste beaucoup d’aspect sur lesquels il faudra être plus précis et sortir de l’ambiguïté. Quel budget commun pour la zone euro, quel montant, quel contrôle démocratique ? Un instrument seulement destiné à compenser des chocs asymétriques ne sera pas suffisant. Il faudra aussi dire quelle est la fonction d’un « ministre des finances et de l’économie de la zone euro » ; s’agit-il d’un « super-gendarme », gardien des règles du pacte de stabilité et de croissance, ou d’un coordinateur des politiques économiques et budgétaires de la zone euro capable d’organiser le débat sur la demande agrégée optimum pour la zone et de lutter contre les inégalités?
Sur la convergence sociale, sujet pour nous prioritaire, le volontarisme affiché se heurte d’une part aux votes de trop de ses alliés de droite au Parlement européen, et d’autre part à la réalité des décisions du Président français, à commencer par ses ordonnances visant à réformer le code du travail.
Concernant la sécurité et la défense, une académie européenne du renseignement pour « assurer le rapprochement de nos capacités de renseignement », ressemble à s’y méprendre au retour du « FBI européen », proposition déjà avancée par la France et reçue fraîchement par ses partenaires européens. Concernant le parquet européen contre le terrorisme : il a fallu de très longs débats, et plusieurs années, pour que 20 États membres décident enfin de doter l’Union d’un parquet européen ; et encore ce dernier n’est-il « seulement » chargé que de la lutte contre la fraude aux budgets de l’Union…
Sur les questions migratoires, nous déplorons la confusion entre politiques d’asile et politique d’immigration. La demande d’une Agence européenne de l’asile est sur la table depuis 2014, c’est d’ailleurs une priorité des socialistes à laquelle s’opposent les alliés de droite d’Emmanuel Macron au Parlement européen. Parallèlement, le chef de l’État suggère aussi la création d’une « police des frontières ». Nous rappelons quand même qu’un corps européen de garde-frontières et garde-côtes a été créé à l’automne 2016. Surtout, nous demandons une clarification : le Président propose-t-il une politique plus adaptée à la réalité des demandeurs d’asile qui fuient la guerre et la famine ou bien ne propose-t-il que le renforcement d’un arsenal répressif inadapté ?
Concernant le volet fiscal, le Président redécouvre les vertus de la taxe sur les transactions financières (TTF) après l’avoir torpillée au mois de juin dernier. Mais sa version de la TTF est moins ambitieuse que celle actuellement en discussion dans le cadre de la coopération renforcée. Quant à la fiscalité des plateformes numériques, nous préférons concentrer nos forces sur la proposition tant attendue d’une réforme de l’impôt sur les sociétés.
Sur l’agriculture, le Président appelle de ses vœux une agriculture responsable. Mais est-ce bien responsable d’autoriser sans limite le glyphosate, substance potentiellement cancérigène pour des millions de citoyens, pour cinq années supplémentaires ?
S’agissant de la politique industrielle, nous sommes restés sur notre faim ; et si les deux dossiers d’actualité (Alstom-Siemens et STX-Fincantieri) sont censés être l’illustration des visées présidentielles, alors nous le disons tout net : ces deux cas n’ont rien d’un « mariage entre égaux » comme le gouvernement se plaît à nous le faire croire, et symbolisent du même coup le désengagement de la force publique. Rien à voir donc avec des « Airbus » de la construction ferroviaire ou navale.
Changement climatique, dumping social, chômage, lutte contre le terrorisme, mondialisation, accueil des réfugiés, tous ces sujets appellent une réponse et des moyens européens. Si les propositions d’Emmanuel Macron témoignent d’un engagement européen, l’Europe a aussi besoin d’un plan de travail opérationnel et, surtout, de concret. Le débat politique européen est posé : nous y participerons avec une conviction inébranlable.