Jean-Paul Denanot, rapporteur. – Madame la Présidente, chers collègues, à l’heure où nous craignons une escalade du conflit entre les États-Unis et la Chine et ses possibles répercussions sur le secteur agricole, je viens vous parler d’une filière qui représente l’un des enjeux les plus capitaux pour la sécurité alimentaire de demain.
Que nous les consommions directement, comme les pois et les produits à base de soja, ou qu’elles soient destinées à l’alimentation animale, les plantes protéagineuses sont aujourd’hui au cœur de notre alimentation.
Ces cultures ont d’immenses intérêts agronomiques et jouent un rôle central dans la transition vers des systèmes de production plus durables. Il convient donc de tout mettre en œuvre pour inciter les agriculteurs européens à les utiliser, ainsi que de renforcer leur compétitivité. Car l’avenir des protéines végétales en Europe entraîne une autre question: quel développement de notre agriculture et quel modèle d’alimentation voulons-nous pour les générations futures?
En matière d’approvisionnement, la signature des accords du GATT et de Blair House ainsi que l’ouverture des marchés ont scellé la dépendance de l’Union européenne à l’égard des pays tiers. Résultat, nous importons aujourd’hui plus de 75 % de nos approvisionnements en protéines végétales d’Argentine, des États-Unis et du Brésil, et ce déficit ne cesse de s’agrandir.
Aujourd’hui, les pays comme la Chine mettent en place des stratégies d’approvisionnement basées sur des contrats de production dénués de toute transparence avec les pays d’Amérique latine et l’Union européenne risque fort de voir ses approvisionnements et la stabilité de ses marchés gravement menacés.
Cette situation de dépendance entraîne des dommages irréversibles pour la biodiversité, à l’image de la déforestation, mais représente également une empreinte carbone considérable. Elle va à l’encontre de la demande des citoyens européens, qui expriment de plus en plus de craintes concernant les OGM, puisque la majorité des cultures importées, particulièrement le soja, sont génétiquement modifiées.
Avec les accords internationaux qui se succèdent et dont la variable d’ajustement est immanquablement l’agriculture, et plus particulièrement l’élevage, pouvons-nous réellement nous permettre de mettre un peu plus en danger notre filière, qui se distingue par ailleurs par sa qualité et sa traçabilité?
Je suis aujourd’hui inquiet de la situation internationale, mais j’ai également confiance en tous les acteurs européens concernés qui peuvent nous aider à changer la donne, que ce soit les agriculteurs et leurs organisations, les producteurs d’aliments, les scientifiques, les administrations et les élus. Ensemble, mettons sur pied une stratégie de moyen et long terme qui manque cruellement à l’Europe.
L’Union européenne doit être plus ambitieuse et se doter d’un véritable plan d’approvisionnement stratégique qui mobilise les politiques agricole, de recherche, de commerce et de voisinage.
Développer une filière européenne et limiter les importations permettraient de diminuer les pressions sur les sols et la forêt en Amérique latine. Cette lutte contre la déforestation est bien au cœur de l’accord de Paris sur le climat.
Mais soyons clairs: il n’y aura pas d’augmentation de la production si nous n’améliorons pas d’abord la compétitivité de ces cultures. Aujourd’hui, cultiver des plantes protéagineuses reste bien moins rentable que les grandes cultures traditionnelles. Comment s’étonner alors que seulement 3 % des terres arables dans l’Union européenne soit dédié aux protéines?
Pourtant, les légumineuses ne manquent pas d’avantages: elles ont la propriété unique de capter l’azote atmosphérique qui permet aux agriculteurs d’utiliser moins d’engrais. En générant de nombreux coproduits valorisés dans la chimie verte et pour la production d’énergies renouvelables, elles s’insèrent parfaitement dans l’économie circulaire.
Je souhaite que dans la prochaine PAC, les incitations à la production de plantes fixatrices d’azote ne se fassent pas uniquement au titre des zones d’intérêt écologique, mais à travers un ensemble de mesures dans le premier et le second piliers, comme la rotation des cultures, les associations de cultures et une aide aux services écosystémiques.
Nous devons valoriser non seulement les cultures riches en protéines, mais aussi les surfaces fourragères et en herbe, car ces dernières représentent la plus grande source d’apports protéiques en Europe. Cela passe par une augmentation évidente de la recherche, un plus grand recours à l’innovation et par une meilleure structuration territoriale des filières.
Enfin, je souhaite que certaines cultures puissent disposer d’aides couplées qui représentent un outil précieux et permettront aux agriculteurs de se tourner davantage vers les légumineuses.
Souveraineté et sécurité alimentaires, lutte contre le réchauffement climatique, meilleur bouclage du cycle de l’azote et montée en gamme de nos filières: vous l’aurez compris, les protéines végétales sont au cœur de tous les enjeux que nous aborderons demain pour l’avenir de notre politique agricole commune. Il est primordial que la PAC à venir leur réserve une place de choix pour valoriser les services rendus par l’agriculture et les agriculteurs. Je voudrais pour terminer, remercier les rapporteurs fictifs et tous leurs collaborateurs qui ont permis de mener à bien ce rapport.