Deux ans après la faillite de la banque d’investissement Lehman Brothers, l’Union européenne commence timidement à réformer le fonctionnement de son marché financier. La Commission esquisse morceau par morceau les éléments de la nouvelle construction (supervision financière, régulation des fonds spéculatifs, encadrement des produits dérivés…), même si le chantier tarde à démarrer et si la vision globale sur les outils nécessaires au financement de l’économie paraît faire défaut.
Première étape, le Parlement et le Conseil européens viennent d’entériner un accord sur la nouvelle supervision financière: le Conseil européen du risque systémique sera chargé d’identifier – à temps – les failles du système financier, tandis que le Système européen de surveillance financière veillera à la stabilité des différents secteurs (banques, assurances, marchés financiers) en associant les trois nouvelles autorités européennes à leurs homologues nationales. Ces autorités sectorielles pourront superviser directement certaines institutions telles que les agences de notation ou interdire les « produits toxiques ». Elles disposeront de compétences accrues en cas d’urgence et joueront un rôle de médiation contraignant pour régler d’éventuels désaccords entre deux autorités nationales. Cette nouvelle architecture pose les bases de la supervision du système financier européen, elle sera amenée à être complétée.
Le Parlement a dû se battre pied à pied pour empêcher le Conseil de limiter à l’excès le périmètre des compétences allouées aux autorités européennes. Il n’a pas pu empêcher que tout Etat membre ait un droit de veto à l’encontre des décisions susceptibles d’avoir un impact sur leur budget. De plus, ces nouvelles autorités devront, pour être à la hauteur des enjeux, être dotées de moyens humains suffisants.
Un mot sur les récents accords de Bâle III. Personne ne nie que l’élaboration et la mise en oeuvre de nouvelles régulations ait un coût. Mais là encore, le législateur européen doit dire quelle est la prime d’assurance que les banques doivent verser pour éviter la répétition de crises financières dévastatrices pour l’économie réelle et l’emploi. Ces accords apportent une partie de la réponse en relevant le niveau minimum de capitaux propres des banques nécessaires pour couvrir leurs risques, avec un calendrier d’application généreux afin ne pas compromettre la reprise. Reste à s’attaquer à la toxicité du risque encouru par les banques et à la taille des banques.
En dépit de ces avancées, rien n’est encore définitivement gagné dans le combat pour éviter les prochaines crises. Les farouches partisans de la dérégulation recommencent à donner de la voix et, déjà, de larges pans de l’industrie financière se mobilisent pour empêcher l’élaboration des mesures d’ordre public financier que l’Union doit promouvoir. C’est pourquoi, il y a urgence à ce que les Etats membres prennent la mesure de la tâche qui leur incombe et traduisent en actes les généreuses déclarations de principe d’il y a plus d’un an aux sommets du G20 de Londres et Pittsburgh. A défaut, l’élan en faveur de la réforme qu’a produit la crise risque d’être gâché.
Pervenche Berès, députée européenne (PS), présidente de la commission Emploi et Affaires sociales
Alternatives Economiques n° 295 – octobre 2010
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