L’Union européenne affronte la plus grave crise de son existence. Elle tient moins à la force des marchés qui menace la zone euro, qu’à la faiblesse de la gouvernance politique pour la conjurer.

Le 9 décembre, le compromis de Bruxelles à l’occasion du 16e sommet européen depuis le déclenchement de la défaillance grecque en a été une nouvelle illustration. Je partage la nécessité d’adresser de nouveaux signes de crédibilité par des procédures de contrôle des engagements budgétaires des Etats. Mais je constate que la proclamation d’un nouveau traité n’a pas permis de restaurer le calme sur les marchés et d’instaurer la confiance chez les citoyens. Car cet accord n’a été capable ni de répondre à l’urgence, ni de relancer l’Europe.

Personne ne sait d’ailleurs quelle en sera la traduction juridique: une révision des traités européens ? L’adaptation de dispositions existantes ou la finalisation de mécanismes déjà prévus par la Commission ? Un accord intergouvernemental sur de bonnes pratiques mais avec quel rattachement à l’ordre juridique communautaire ?

 

Je le sais d’autant moins que le président-candidat se garde bien de consulter l’opposition. Il en appelle à l’union nationale, ce qui est cocasse venant de celui qui n’a cessé d’entretenir des divisions, et se prive, sur des questions essentielles, de l’avis de ceux qui pourraient être demain en charge du pays.

 

Une révision des traités est un exercice difficile. Et même périlleux, a fortiori si le texte lui-même suscite la controverse. En tout cas, sa seule annonce, même célébrée par des communiqués de presse de victoire, n’a pas été de nature à lever les incertitudes. Une semaine après, tout semble être revenu comme avant. Et c’est un constat d’insuffisance qui est dressé. Je souhaite évidemment que les moyens financiers décidés à Bruxelles dissipent les inquiétudes avec le concours de la Banque centrale européenne. C’est l’intérêt de la France, comme de l’ensemble de la zone euro.

 

Je tiens néanmoins à exprimer mes réserves. Car ce projet de traité, parce qu’il est étroit, flou et punitif, entretient une dangereuse confusion entre la nécessaire convergence des politiques économiques dans la zone euro et la généralisation de l’austérité.

 

Et je vois, non sans m’en étonner, la résignation de l’un de ses initiateurs. Nicolas Sarkozy lui-même déclare, au détour d’une phrase, ne pas faire un drame de la dégradation de la notation de notre pays par les agences de notations. C’est dire sa confiance ! Le sauvetage du triple A était hier considéré comme un « trésor national » et le talisman d’une bonne gestion. Sa perte, aujourd’hui, est jugée « tout sauf insurmontable ». Il y a là un terrible aveu d’échec.

 

La réduction des déficits et de la dette est un impératif. Si les Français m’accordent leur confiance en mai 2012, je demanderai au Parlement de voter une loi de programmation des finances publiques sur le retour à l’équilibre de nos comptes avant 2017. Cet effort sera réalisé dans la justice sociale. Mais rien de sérieux ne sera possible sans la croissance; elle est la grande oubliée de l’accord de Bruxelles avec même le risque d’accentuer la récession, au point d’en inquiéter les marchés eux-mêmes.

 

La démocratie est l’autre grande absente. Comment admettre la mise à distance des institutions communautaires et, notamment, du Parlement européen ? Est-ce au prix d’un plus grand rôle donné à la Cour de justice européenne ? Ce serait inacceptable. Quelle sera la place des Parlements nationaux ? Pour toutes ces raisons, j’ai indiqué que j’examinerai avec la plus grande attention le détail de cet accord au fur et à mesure de son écriture, et j’ai exprimé ma volonté de renégocier pour rééquilibrer et compléter le futur traité dans l’esprit du pacte de responsabilité, de gouvernance et de croissance que je réclame, avec mes amis de la gauche européenne.

 

Je souhaite des moyens efficaces d’action sur les marchés, conjuguant ceux de la Banque centrale européenne, dans le respect de son indépendance, et d’un fonds de secours financier puissamment doté pour décourager la spéculation. La zone euro doit se munir d’une véritable force de frappe financière. Je suis favorable à la mise en place d’euro-obligations, pour mutualiser au moins une partie de notre dette. Enfin, je demande des moyens de soutien à la croissance: les interventions de la Banque européenne d’investissement dans les secteurs d’avenir, un budget européen renforcé par des ressources nouvelles (notamment la taxe sur les transactions financières) pour conduire des politiques industrielles, en faveur de la conversion écologique ou dans les nouvelles technologies.

 

Comment comprendre que l’on se soit privé de ces éléments indispensables à la sortie de crise ? Les peuples le demandent. Même le président du Conseil européen Herman Van Rompuy le propose.

 

L’enjeu n’est pas seulement la sortie de la crise. Il est aussi de refonder le projet européen. Celui-ci ne peut se réduire à l’austérité et à une simple coordination intergouvernementale, sans ambition. Les peuples s’en détourneraient définitivement. Cette refondation ne peut être entreprise qu’à partir d’un processus de convergence économique, d’harmonisation fiscale et sociale, de grands programmes européens de croissance, d’un nouvel élan démocratique. Tout cela donnera naissance à ce « fédéralisme des projets » que j’entends discuter avec nos partenaires et amis européens pour le proposer au peuple français et demain à l’Union européenne tout entière.