Pervenche Berès, auteure. − Monsieur le Président, Madame la Commissaire, chers collègues, la commission de l’emploi et des affaires sociales a souhaité interpeller la plénière sur la question de l’impact des politiques d’austérité sur les conditions de vie des personnes handicapées.
Je dois vous dire, avant de vous présenter cette question que, manifestement, elle éveille à l’extérieur de notre enceinte, un immense écho, si j’en crois l’importance des réactions qu’elle a suscitées au sein des organisations non gouvernementales et des instituts qui se préoccupent du sort des personnes handicapées alors que le handicap touche une personne sur dix dans l’Union européenne, que le taux de pauvreté de ces personnes est supérieur de 70 % à la moyenne de la population de l’Union européenne et que le taux d’emploi de ces personnes handicapées n’est que de 45 %.
Au moins un quart de la population connaît une fois dans sa vie un problème de santé mentale et, pour 10 % de ces personnes, cela peut mener à des problèmes chroniques de santé mentale. Un tiers des personnes âgées de plus de 75 % souffrent de handicaps partiels et plus de 20 % sont atteintes de handicaps lourds. Le taux de déscolarisation des 16-19 ans s’élève à 35 % chez les personnes handicapées, à 25 % chez les personnes partiellement handicapées, à 17 % chez celles qui ne souffrent d’aucun handicap. C’est dire l’enjeu de la question que nous posons ici.
Nous savons que, pourtant, l’Union européenne s’est dotée de tout un arsenal, dont vous avez la responsabilité, Madame la Commissaire, autour notamment de la Charte des droits fondamentaux, lorsque dans son article premier, elle indique que la dignité humaine est inviolable, lorsque, dans son article 21, elle indique que la discrimination fondée sur le handicap est contraire au droit de l’Union européenne ou lorsque, dans son article 26, elle reconnaît et respecte le droit des personnes handicapées à bénéficier de mesures visant à assurer leur autonomie, leur intégration sociale et professionnelle et leur participation à la vie en communauté.
Je ne cite ni la Convention des Nations unies, ni le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne; je voudrais rappeler la Commission à ses propres œuvres, si j’ose dire: dans les priorités de la stratégie européenne 2010-2020 en faveur des handicapés, elle a indiqué sa volonté de garantir aux personnes handicapées l’accessibilité des biens, des services, dont les services publics, et des dispositifs d’assistance.
Dans cette même communication, la Commission a indiqué qu’il fallait faire en sorte que les personnes handicapées participent pleinement à la vie en société, en éliminant les entraves administratives et comportementales, en fournissant des services de proximité et de qualité, y compris l’accès à une assistance personnalisée. Elle a également indiqué qu’il fallait permettre à davantage de personnes handicapées de disposer d’un revenu décent en travaillant sur le marché du travail ordinaire. Le Parlement européen a réagi sur la base d’un rapport élaboré par notre collègue Ádám Kósa dans une résolution du 25 octobre 2011.
Or, aujourd’hui que constatons-nous? Nous constatons que les politiques d’austérité aggravent la situation déjà très difficile des personnes en situation de handicap en réduisant les dépenses publiques dans les domaines de la santé et de l’accès aux soins, en limitant les investissements dans les structures essentielles à la mobilité et à l’inclusion des personnes handicapées. Or, les objectifs de la stratégie UE-2020 consistaient à atteindre un taux d’emploi de 75 % chez les 20-64 ans et à réduire de 20 millions de personnes le nombre de personnes pauvres ou menacées d’exclusion. Et nous savons que, si nous n’intégrons pas les personnes en situation de handicap dans le marché du travail, nous n’atteindrons pas ces objectifs.
Au-delà, l’enjeu est celui de l’égalité des chances, pour une Union fidèle à ses valeurs, pour une Union européenne portée par le souci de l’équité, qui doit offrir aux personnes handicapées les moyens de réaliser pleinement leur projet de vie, pour une Union européenne solidaire sachant agir pour les personnes handicapées, une Union où on œuvre pour tous.
C’est pourquoi il est nécessaire que la Commission soit cohérente avec la stratégie qu’elle a elle-même adoptée et que le Parlement européen a soutenue, et peut-être que, dans cette action le Parlement doit aussi éclairer l’action que la Commission pourrait mettre en œuvre. Enfin, nous demandons que la Commission européenne se montre disposée à regarder ce que ce Parlement européen élaborera comme proposition, comme recommandation, sur la base du rapport qu’est en train de rédiger ma collègue Jean Lambert sur l’accès aux soins des populations vulnérables.
Voilà le message politique que nous porterons, me semble-t-il, dans ce rapport.