Virginie Rozière, Rapporteure. – Madame la Commissaire, mes chers collègues, nous approchons du premier anniversaire de cette Commission et, durant cette première année d’exercice, nous avons bien entendu les priorités que vous avez définies: soutien aux PME, renforcement de la compétitivité, emploi. Nous connaissons et nous soutenons l’engagement de la Commission pour ces priorités.
Alors, madame la Commissaire, imaginez que vous ayez en votre pouvoir la capacité de développer la compétitivité de plusieurs milliers d’entreprises, très majoritairement des PME, et que vous puissiez alléger les charges financières qui pèsent sur elles et qu’elles sont forcées d’engager pour lutter contre une concurrence déloyale – charges qui représentent parfois jusqu’à 40 % de leur chiffre d’affaires. Imaginez que vous ayez en votre pouvoir la possibilité de soutenir le maintien et le développement de l’emploi dans plus de huit cents bassins de production, en accroissant de 30 % la création d’emplois, comme cela a été le cas pour les indications géographiques alimentaires. Imaginez que vous ayez un moyen simple, très peu coûteux, d’offrir une visibilité, une attractivité à l’export à ces entreprises, allant jusqu’à 25 % de la demande à l’international.
Ce serait formidable, n’est-ce pas? Vous vous saisiriez sans hésiter une seconde d’un tel outil s’il était à votre disposition. Eh bien j’ai une bonne nouvelle: cet outil existe et il est d’ores et déjà entre vos mains. En proposant sans plus attendre un instrument législatif pour reconnaître et soutenir les productions artisanales européennes, vous avez à votre portée un moyen simple de réaliser les objectifs que je viens d’énoncer.
C’est la conclusion éclatante du travail approfondi mené par vos services depuis plusieurs années. Une étude très fouillée que vous avez publiée en 2013 étaie les bénéfices économiques que je viens de mentionner. C’est aussi la demande pressante des PME européennes et des consommateurs européens qui se sont exprimés on ne peut plus clairement dans les réponses à la consultation que vous avez réalisée en 2014.
C’est enfin le message que vous adressera demain, je l’espère, ce Parlement en vous demandant d’inscrire dans la stratégie pour le marché intérieur, que la Commission va rendre publique dans les prochaines semaines, l’annonce d’une initiative législative pour l’extension des indications géographiques aux produits non agricoles dès 2016.
Madame la Commissaire, pour l’instant, les producteurs qui souhaitent protéger une indication géographique non agricole au sein de l’Union européenne doivent en faire la demande dans chaque État, lorsque c’est possible, c’est-à-dire dans à peine la moitié d’entre eux, ou bien renoncer purement et simplement à une telle protection.
Ils risquent alors, chaque jour, l’usurpation de leur appellation par des industriels qui mettent en péril l’emploi, la vitalité économique, l’équilibre de territoires qui sont parfois fragiles, simplement parce que ces industriels utilisent indument un nom qui était jusqu’ici symbole de qualité, d’histoire et de savoir faire. Une telle concurrence déloyale n’est pas acceptable.
Étendre les indications géographiques aux produits non agricoles serait un signal politique fort, un solide engagement de l’Union européenne pour faire rayonner ses productions locales. Parce que, plus que des produits, ces noms fameux – Murano, Bohème, Savile Row, Laguiole, Solingen – sont l’écho d’une histoire, d’une culture. Ils représentent le patrimoine européen, notre patrimoine, c’est pour cela que j’invite tous mes collègues à confirmer dès demain le large vote favorable de la commission des affaires juridiques sur le rapport que je présente ici ce soir.
Madame la Commissaire, le Parlement européen attend la Commission européenne sur ce sujet mais, par l’intermédiaire des députés, bien plus important, ce sont les consommateurs européens qui vous attendent, les PME européennes qui comptent sur vous, les citoyens européens qui vous observent.
Montrez-leur que vous répondez à leurs préoccupations, que vous leur apportez des solutions.
Madame la Commissaire, ne les décevez pas.