Monsieur le Président, mes chers collègues,
je souhaite tout d’abord féliciter, moi aussi, Mme Lambert et également M. Moraes pour l’excellent travail qu’ils ont réalisé et qui nous permettra, dans quelques jours, dès lors que la situation aérienne sera rentrée dans l’ordre, d’adopter formellement le règlement portant création du Bureau européen d’appui en matière d’asile. Nous serons donc, j’imagine, unanimes sur un point: nous réjouir de la création prochaine de ce bureau.
Résolument tourné vers la coopération pratique, le Bureau permettra de réduire les sérieux écarts qui persistent entre les pratiques des différents États membres en matière d’asile, et ce malgré une première phase, dite d’harmonisation, entamée avec Tampere. Cet organe nous permettra d’assurer la cohérence qui fait aujourd’hui défaut dans les pratiques actuelles.
Je souhaite également souligner le rôle important que la société civile, au travers de sa participation aux forums consultatifs, aura dans ce bureau. Celle-ci apportera, par son action de terrain, une vision éclairée des difficultés rencontrées par les demandeurs d’asile et également sur des carences des systèmes nationaux.
Mais nous devons reconnaître qu’un certain goût amer subsiste dans cette affaire. Pour le Parlement européen, c’est le regret de ne pouvoir jouer un rôle à part entière dans la nomination du directeur du Bureau, par exemple. Et, pour le Bureau lui-même, c’est l’impossibilité de prendre part à la mise en place d’un système de solidarité obligatoire entre les États membres pour soulager les pays situés aux portes de l’Union européenne.
Dans la pratique, cette solidarité volontaire se paie de mots. Or, si l’on refuse même d’évoquer un système plus contraignant, comment pourrions-nous y parvenir? Cette question reste toujours d’actualité dans nos débats, et nous continuerons à le rappeler à nos interlocuteurs, Conseil et Commission.
La création de ce bureau illustre parfaitement le besoin de mettre en place un régime européen d’asile commun. Tous les États membres appellent ceci de leurs vœux, lorsqu’il s’agit de déclarations comme celle du pacte européen pour l’asile et l’immigration en 2008. Mais, étrangement, ces mêmes États membres semblent frappés d’amnésie, lorsqu’il s’agit de passer des mots aux actes et de traduire dans les textes leurs engagements en faveur de règles communes.
Il est par exemple fort regrettable de constater l’empressement avec lequel le Conseil adopte toute une série de mesures dans la lutte contre l’immigration clandestine, comme lors du dernier Conseil JAI de février. Mais il se montre plus frileux dans les négociations sur le paquet « asile », bloqué depuis plusieurs mois déjà. Plutôt qu’un affichage purement et opportunément politique, opéré au travers de mesures répressives, j’appelle les États membres à construire véritablement une Europe de la solidarité.
D’une part, nous savons que ces mesures répressives menacent sensiblement le droit d’accès à l’asile en Europe pour les personnes qui, en raison de la multiplication des filtrages et autres barrières, entreprennent des voyages de plus en plus périlleux. D’autre part, l’Europe pourrait enfin s’enorgueillir d’une réelle harmonisation des procédures d’asile, fondée sur l’octroi de véritables garanties aux demandeurs d’asile.
On le voit, sur le paquet « asile », les résistances des États sont fortes et la tendance est au maintien de pratiques nationales. Ces résistances trouvent un écho retentissant dans des arguments sur les coûts budgétaires d’une telle politique commune, qui paraîtraient insupportables dans un contexte de crise. La responsabilité européenne est pourtant immense face à l’asile.
Insistons sur le fait qu’à ce jour, ce sont en grande majorité des pays tiers, moins bien lotis que nous, qui assument leur part dans l’accueil des réfugiés. Souhaitons donc que ce paquet « asile » rencontre rapidement autant de succès que celui du Bureau, car il est urgent d’agir.