Le Parlement européen, quel levier pour réorienter l’Europe ?
Entre le Congrès de Toulouse en octobre 2012 et le Congrès de Poitiers de juin 2015, la délégation socialiste française au Parlement européen aura été profondément renouvelée à l’occasion des élections européennes du 25 mai 2014. Ce rapport d’activité revient sur les grandes lignes du bilan de la législature précédente, et sur la première année de mandat de la nouvelle. Sous la présidence de Catherine Trautmann puis de Pervenche Berès, une ligne de conduite a guidé les eurodéputé-e-s socialistes : réorienter l’Europe afin qu’elle cesse enfin d’être le problème pour les Français et les Européens et redevienne la solution aux yeux des citoyens, malgré la majorité conservatrice qui domine et qui c’est aggravée avec l’installation après la dernière élection d’une tripartition entre progressistes, conservateurs et euro-hostiles.
L’objectif des eurodéputé-e-s socialistes est de construire une Europe sociale, proche du citoyen, solidaire et démocratique. Une Europe synonyme de croissance soutenable, par l’investissement et la relance industrielle, en faveur de l’emploi, prônant l’éducation et la recherche. D’autres fils rouges guident la délégation socialiste française : l’enjeu européen des questions de migrations, des négociations commerciales, une meilleure qualité de l’environnement, une protection accrue des consommateurs et des libertés fondamentales des citoyens, les outils européens de lutte contre le terrorisme, des programmes jeunesse renforcés, une culture européenne pour tous.
Ce rapport d’activité, forcément imparfait, n’a pas vocation à être exhaustif. Mais il rend compte de l’action, la conviction, l’engagement et la détermination des députés socialistes français, qui défendent une autre idée de l’Europe.
La délégation participe à toutes les manifestations communes avec les groupes socialistes à l’Assemblée nationale et au Sénat et en particulier autour d’une réunion spécifique au lendemain des élections en mai 2014. Elle a également développé un réseau avec les secrétaires Europe des fédérations.
Pour une gouvernance économique intelligente et démocratique, favorable à la croissance et à l’emploi
La « Troïka », c’est non !
Bien avant l’élection de M. Tsipras et de la gauche radicale en Grèce, lors de la législature précédente, les eurodéputé-e-s socialistes français étaient à l’initiative d’un rapport appelant au démantèlement de la Troïka (Commission européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international). Ces trois institutions ont imposées à la Grèce des politiques d’austérité sans mandat démocratique européen. Les Socialistes européens n’ont eu de cesse de condamner la Troïka, d’appeler à son démantèlement et de faire des propositions alternatives. Au-delà du cas grec, c’est toute la Gouvernance économique européenne que nous voulons repenser lors de cette nouvelle législature.
Six-Pack, Two-Pack, TSCG et après
Remettre l’Europe sur les rails du progrès pour tous et de la prospérité est une nécessité absolue ; cela passe notamment par la perspective d’une véritable intégration budgétaire, fiscale et sociale pour une coordination des politiques économiques progressistes.
Jusqu’à présent, la droite européenne a imposé sa vision de la gouvernance économique, placée sous le signe de la règle et de l’austérité : semestre européen, pacte de stabilité et de croissance, pacte Euro plus, six-pack, two-pack, etc. Pour la délégation socialiste française, cette approche mine la croissance, détruit des emplois, empêche la reprise de l’activité économique et donc le retour à l’équilibre des finances publiques. A chaque occasion, les eurodéputé-e-s socialistes proposent une stratégie alternative, permettant de réconcilier Euro avec croissance soutenable et emploi.
Au cours de la législature précédente, nous demandions un pacte européen pour la croissance et l’emploi. Au début de cette législature, nous avons fait de l’adoption d’un plan d’investissements, devenu le « plan Juncker », la clé de voute du programme de travail de la mandature. Nous savons que cette première manche remportée doit aller de pair avec une modification de la gouvernance économique afin qu’elle cesse d’être une machine à sous-investissement.
Nous voulons aussi des procédures plus démocratiques, moins complexes qui permette d’utiliser toutes les flexibilités prévues par les textes afin que l’Europe puisse réagir plus rapidement et plus efficacement dans un environnement économique changeant.
Nous exigeons aussi un véritable budget de la zone euro, financé par des ressources propres, capable de soutenir des politiques européennes contra-cycliques.
Après les scandales du #LuxLeaks et du #SwissLeaks… une Europe fiscale, vite !
L’Europe doit être mobilisée pour empêcher le contournement de l’impôt
Les scandales du #LuxLeaks et du #SwissLeaks doivent servir de leçon pour l’Europe. Dès 2013, le groupe socialiste a piloté une enquête européenne qui a révélé que la fraude fiscale prive l’Europe, et ses Etats, de 1 000 milliards d’euros par an.
Au delà de la fraude, ce sont aussi les mécanismes d’optimisation fiscale sont souvent légaux qui sont en question. Et c’est ici que la réalisation d’une harmonisation fiscale à 28 là où elle est possible prend toute son importance.
Nous voulons une fiscalité juste : celle qui assure la redistribution et le financement des services publics ; celle qui favorise le travail et l’initiative plutôt que le capital et la rente ; celle qui soutient la transition écologique. C’est pourquoi nous avons pris position en faveur d’une commission d’enquête et que nous contribuons activement à la commission spéciale qui a finalement été mise en place et qui doit rendre ses travaux en juillet 2015.
Pour une politique d’investissements à l’échelle européenne
Les Sisyphes de la taxe sur les transactions financières
Relancer l’économie, éviter le retour des crises financières et les comportements purement spéculatif grâce à une taxe payée par le secteur financier, c’est possible, avec une taxe sur les transactions financières ! Face à l’opposition des Conservateurs et des Libéraux, nous bataillons depuis de nombreuses années en faveur de son introduction. Pour répondre aux dysfonctionnements des marchés, nos propositions politiques en matière financière et économique ont un objectif clair : réorienter la finance au service de la croissance soutenable et de l’emploi.
Le produit d’une telle taxe doterait l’Europe d’une nouvelle ressource propre pour financer des politiques de développement économique et social.
L’introduction de la TTF au niveau européen, proposition finalement reprise par la Commission Barroso, a été soutenue pour la première fois en octobre 2010 au Parlement européen à notre initiative dans la résolution sur la crise économique, financière et sociale. C’est également sous notre impulsion que cette taxe a été incluse dans le rapport sur les perspectives financières 2014-2020.
Au-delà de la TTF, le budget européen
Le budget européen doit être un outil au service de nos priorités : croissance soutenable, emploi, environnement.
Le budget européen représente un peu moins d’1% de la richesse des 28 Etats membres. De taille limitée, c’est un budget d’investissement et l’outil de la solidarité au sein de l’Union européenne. Son effet d’échelle constitue une véritable plus value pour la croissance et l’emploi avec 94% réinvestis dans les Etats membres.
Le renouvellement du cadre financier pluriannuel en 2013 a montré combien certains Etats n’ont toujours pas compris qu’il est contre-productif d’appliquer leurs propres contraintes budgétaires au budget européen alors qu’en période de réduction des déficits, le budget européen est le meilleur outil pour relancer l’économie et donc avoir un effet de levier pour les budgets nationaux.
Si le budget annuel européen est désormais voté en plaçant le Parlement européen et le Conseil sur un pied d’égalité, ce n’est pas le cas pour le cadre financier qui, lui, doit être adopté à l’unanimité par le Conseil, avec approbation, ou non, du Parlement européen. Ainsi, lors de l’adoption du cadre financier 2014-2020 nous avons menacé d’utiliser notre droit de veto pour obtenir des modifications en profondeur, comme le maintien de l’aide aux plus démunis et des fonds pour la jeunesse.
Dans cette législature, nous serons offensifs sur chaque budget annuel et nous préparons la bataille politique majeure dans la perspective de la révision de ce cadre financier pluriannuel qui doit intervenir dès 2016. En parallèle, nous menons la bataille des ressources propres.
Les ressources propres, c’est quoi ?
Pour l’instant, le budget européen dépend d’abord des contributions des Etats membres ; alors que les budgets nationaux sont sous pression, les Etats ont tendance à vouloir « faire des économies » sur le budget européen. Pour échapper à ce que nous appelons les égoïsmes nationaux, l’Europe doit se doter de ressources propres et sortir de la logique de « juste retour ».
Il faut réformer un système de financement à bout de souffle et retrouver la solidarité inhérente au projet européen. La mise en place des instruments de financement innovants au service de la croissance pourra alors être accélérée et exigée : actions conjointes entre la Banque européenne d’investissement et le budget de l’Union, mobilisation de l’épargne européenne au service de l’investissement, multiplication des mécanismes de soutien aux PME via des garanties d’emprunt et un accès simplifié au financement.
Le plan d’investissements dit « plan Juncker », oui, mais il faut aller plus loin !
Au lendemain de l’élection de mai 2014, nous avons fait adopter par le groupe socialiste une feuille de route « Appel pour le changement » dans laquelle la question d’une relance de l’investissement était la priorité. 16 milliards d’argent frais qui devrait devenir 300 milliards d’investissements. C’est le montant du plan Juncker, qui existe grâce à notre action. C’est en soi une bonne nouvelle. Le début de flexibilité – les participations volontaires des Etats membres à ce fonds ne seront pas incluses dans le calcul de leur déficit – va dans le bon sens, tout comme la création d’un comité indépendant pour évaluer les projets et l’utilisation d’une partie du budget de l’Union comme garantie pour financer des investissements utiles.
Face aux défis que doit affronter l’Europe, ce plan est un signal de la réorientation même s’il reste sous dimensionné en argent frais pour apporter le souffle dont l’Europe a tant besoin. Les socialistes européens proposaient une autre stratégie : 100 milliards d’argent public, qui ne serait pas pris en compte dans le calcul des déficits nationaux, afin d’entraîner 400 milliards d’investissements. Ils ont œuvré pour que le financement de ce plan ne fragilise pas la recherche fondamentale, favorise l’investissement dans la transition écologique, l’investissement social et les objectifs de cohésion sociale et territoriale de l’Union.
Parce que nous savons que ce premier plan Juncker ne suffira pas, nous travaillons déjà à sa prolongation. Le contexte – chômage de masse, déflation, précarité à outrance – oblige l’Europe à réagir.
Cette approche se décline dans notre action secteur par secteur que ce soit par exemple dans le domaine de la sidérurgie ou des transports.
Le modèle social européen a un avenir
Garantie jeunesse
Les jeunes sont les premières victimes de la crise. Avec plus d’un jeune sur quatre au chômage, nous ne pouvions pas rester les bras croisés. Ce fléau touche plus de 50% des jeunes en Espagne et en Grèce. La France est également au-dessus de la moyenne européenne, avec un peu plus de 26% de ses jeunes actifs au chômage.
C’est pour cela que nous nous sommes battus en faveur d’une « garantie européenne pour la jeunesse », dotée d’un budget de six milliards d’euros. C’est ainsi que nous avons rallié, avec nos camarades Socialistes européens, une majorité d’eurodéputé-e-s autour de cette proposition.
L’objectif de cette garantie est de permettre aux jeunes, qui ont moins de 25 ans et qui sont au chômage depuis plus de quatre mois, ainsi qu’aux jeunes diplômés de moins de 30 ans, de se voir proposer un travail, une formation ou un apprentissage de qualité. En cette période de crise, considérer la jeunesse comme un des piliers essentiels de la relance économique, c’est lui donner les moyens de prendre sa propre réussite en main, pour ne pas devenir la « génération perdue » de demain. C’est aussi une voie pour retrouver le chemin de la croissance, une façon de montrer aux jeunes que l’Union européenne se trouve à leurs côtés, qu’elle prend en compte leurs aspirations, et qu’elle ne les oublie pas en période de crise.
Aide aux plus démunis
Le Programme européen d’aide alimentaire aux plus démunis (PEAD), mis en place en 1987 sous l’impulsion de Jacques Delors et Coluche, approvisionne, en France, les banques alimentaires, les Restos du Cœur, le Secours Populaire et la Croix Rouge. Il est vital pour les 18 millions d’Européens malmenés par la crise, il est un signe de solidarité de l’Union européenne à l’égard des plus vulnérables, et un des rares outils permettant d’apporter une aide concrète aux citoyens les plus faibles et le plus durement touchés par la crise économique et sociale. Malgré cela, en 2012, la droite européenne, avait obtenu la disparition programmée du PEAD après 2014. Nous nous sommes alors battus pour que la Commission européenne mette en place un Fonds européen d’aide aux plus démunis (FEAD) en remplacement du PEAD.
Après des mois de négociations, le Parlement européen a voté en faveur d’un dispositif obligatoire de 3,5 milliards d’euros permettant ainsi de stabiliser l’aide européenne aux plus démunis.
La lutte contre le dumping social, c’est une priorité !
Les droits sociaux des travailleurs européens se défendent dans la législation européenne comme sur le terrain. C’est pour cette raison que nous avons dénoncé les conditions d’exploitation de plusieurs centaines d’ouvriers notamment sur le chantier de l’EPR, sur le site d’EDF de Flamanville. Partisans des grands chantiers européens, nous les voulons socialement exemplaires alors que certaines entreprises, peu scrupuleuses, contournent les lois sociales européennes et nationales pour mieux exploiter des travailleurs.
Nous sommes partis de cet exemple concret pour définir nos propositions sur la révision de la directive encadrant le détachement des travailleurs, et lutter contre le dumping social. Dans le cadre des marchés publics et dans le secteur de la construction, nous avons exigé et obtenu des mesures qui clarifient les responsabilités sociales dans la chaîne des sous-traitants. Nous voulons une Europe sociale, qui garantisse l’égalité de traitement par l’application du principe « à travail égal, droit égal sur le même lieu de travail ». Ceux qui sont détachés dans un autre Etat membre doivent avoir accès au droit syndical et au salaire de l’Etat d’accueil .
L’agriculture pour définir un modèle de société
Durant la législature précédente, la Politique agricole commune (PAC) a été profondément réformée. C’est historiquement la première politique européenne, ces perspectives devaient être retracées. Un débat dans lequel nous nous sommes fortement engagés avec d’autant plus d’intensité que le Parlement européen utilisait, pour la première fois, dans ce domaine ses pouvoirs de co-législateur. Les socialistes se sont emparés de ce pouvoir pour promouvoir leur vision du modèle agricole : sécurité alimentaire, préservation des ressources naturelles et lutte contre les dérèglements climatiques, développement des territoires ruraux et défense de l’emploi. Notre engagement a permis des avancées significatives dans les domaines de l’équité des aides agricoles, de la durabilité du développement agricole et de la régulation des marchés agricoles.
C’est au début de cette législature que nous avons obtenu, pour les Etats membres, la possibilité de restreindre ou d’interdire la culture d’OGM sur leur territoire. Jusqu’à présent, une interdiction nationale pouvait être attaquée. En défendant la possibilité, pour chaque Etat membre, d’interdire la culture des OGM sur leur territoire, nous leur avons offert une véritable sécurité juridique. Ils peuvent à présent, pour les interdire, invoquer : des motifs environnementaux, tels que la résistance aux pesticides, le risque de propagation et la protection nécessaire de la biodiversité, ainsi que des motifs socio-économiques, ou l’existence de pratiques agricoles alternatives.
L’examen de ces problématiques autour de l’Europe et des politiques alimentaires a fait l’objet en octobre 2013 d’un séminaire de la DSF à Concarneau puis autour de la transition écologique et du développement rural à Carcassonne en octobre 2014. Ce dernier aura aussi permis d’organiser une séance de travail avec Xavier Ragot de l’OFCE sur l’Union économique et monétaire et avec Joël Gomblin sur l’analyse du Front national.
Les congés maternités, un acquis social à harmoniser par le haut !
Défenseurs d’une Europe sociale, nous nous sommes battus pour harmoniser la durée du congé maternité partout en Europe. En octobre 2010, sous l’impulsion des Sociaux-démocrates, le Parlement a voté l’allongement du congé maternité à 20 semaines, rémunéré à 100% du dernier salaire, avec la création d’un congé paternité obligatoire de deux semaines. Réconcilier vie professionnelle et vie privée, protéger les femmes sur le marché du travail, se mobiliser pour l’engagement des pères dans l’éducation des jeunes enfants, autant de progrès portés par cette mesure ambitieuse ! Mais depuis ce vote : le dossier est bloqué au Conseil, alors que le Parlement est prêt à négocier pour trouver un compromis. Au début de cette législature, nous avons saisi l’opportunité de la révision du programme de travail de la nouvelle Commission européenne pour relancer ce projet de directive : nous nous battrons pour que les gouvernements prennent leurs responsabilités et légifèrent en faveur des jeunes parents.
Pour un salaire minimum partout en Europe
Le salaire minimum européen pourrait devenir à la sphère sociale ce qu’est l’euro à la sphère monétaire. Cette proposition renvoie à une certaine conception de la dignité humaine accordée par le travail : le modèle social européen devrait en effet imposer le principe qu’un salarié puisse vivre décemment de son travail pour s’écarter du seuil de pauvreté. L’existence d’un salaire minimum européen permettrait, par ailleurs, de contribuer à la réduction des inégalités et à la stimulation de la demande intérieure. Si l’instauration d’un salaire minimum européen fondé sur une valeur nominale commune relève aujourd’hui de l’utopie, d’autres approches sont possibles. C’est pourquoi, nous demandons à la Commission européenne de présenter une initiative dans ce domaine afin qu’un plan d’action soit mis en place à l’échelle européenne.
L’Europe et le monde
D’ACTA au TTIP en passant par le CETA et TISA
C’est la menace des acronymes en quatre lettres. Pendant la législature précédente, le Parlement européen a rejeté – à notre initiative – l’accord commercial anti-contrefaçon, connu sous le nom d’« ACTA ». ACTA était un projet de traité international multilatéral sur le renforcement des droits de propriété intellectuelle, négocié sans débat démocratique entre 2006 et 2010 par la Commission européenne. Nous avons été à la pointe du combat contre ce texte liberticide, ne respectant ni nos valeurs, ni le droit en vigueur de l’Union européenne. Un combat accompagné par une mobilisation forte des citoyens a permis le rejet d’ACTA le 4 juillet 2012, et une victoire pour la défense des libertés fondamentales des Européens.
La législature actuelle comporte de nombreux projets d’accords commerciaux qui requièrent toute notre vigilance: l’accord commercial avec les Etats-Unis, avec le Canada, l’accord général sur les services… Pour nous, le principal enjeu du commerce international au XXIème siècle est de lutter pour une mondialisation maîtrisée et solidaire, respectueuse de notre planète, différente en tous points de la mondialisation sauvage que nous subissons depuis 30 ans.
Forte de ses 500 millions de consommateurs, nous sommes persuadés que l’Union européenne dispose d’une force de négociation considérable pour faire prévaloir les normes qu’elle aura définies comme condition d’accès à son marché. Elle doit en user afin de promouvoir des normes mondiales conformes à ses valeurs, ses préférences collectives, mais aussi à ses intérêts légitimes.
Avec conviction, les eurodéputé-e-s socialistes ont remporté une première victoire au début de cette législature : nous avons obtenu que les socialistes européens s’opposent à l’arbitrage privé pour le règlement des différents entre Etats et investisseurs – le fameux ISDS – dans le TTIP. Au delà de cette première victoire, nous continuons de nous interroger sur le bien fondé d’un tel accord. Au bénéfice de qui ? Citoyens européens ou multinationales américaines ? Croissance en Europe ou croissance aux Etats-Unis ? Quid des normes sociales, environnementales et sanitaires, de la protection des données ? Quid des savoir-faire, protection des AOC et AOP ? Cette bataille sur le « contenu » est, à nos yeux, la plus importante. Depuis l’élection de 2014, la Délégation a organisé des échanges réguliers sur ce thème notamment avec le ministre Matthias Fekl, Pierre Defraigne et Pascal Lamy.
COP 21 : les socialistes européens mobilisés
En février 2014, le Parlement européen s’est prononcé pour des objectifs exigeant (moins 40 % de CO2, plus 40 % d’efficacité énergétique et plus 30 % de renouvelables). La conférence de Paris sur les climats en fin de l’année 2015 doit conduire à un accord contraignant et inclusif contenant des engagements chiffrés de tous les Etats en vue de contenir le réchauffement du climat à deux degrés. C’est aussi l’occasion de fixer les engagements financiers pour doter le fonds vert destiné à la résilience aux changements climatiques. Le financement de l’action pour sauver le climat a notamment fait l’objet d’un débat entre les parlements nationaux et le Parlement européen le 30 mars dernier, lors de l’audition conjointe. Parlement européen et parlementaires nationaux se sont mis d’accord sur le fait que leur travail commence maintenant. Les leçons de l’échec de Copenhague, en 2009, ont été tirées : la question climatique ne se limite pas aux frontières nationales, mais sans décision des Etats, rien ne peut être enclenché au niveau international. Le texte, une fois adopté par les Nations unies, devra être ratifié par chaque pays. A notre initiative, le Parlement prendra position avant la Conférence et autour du Parti devrait être organisé avec le groupe socialiste une grande initiative à Paris en octobre.
La lutte contre le terrorisme passe par l’Europe
Au lendemain des attentats de Paris, notamment contre Charlie Hebdo, le Parlement européen a relancé ses travaux pour permettre l’adoption de mesures équilibrées dans la lutte contre le terrorisme à l’échelle de l’Union européenne.
Il a adopté une résolution ambitieuse, qui s’inscrit dans les propositions que nous avions développées dans une tribune publiée en janvier dernier, notamment :
- l’indispensable équilibre qui doit prévaloir entre la sécurité et le respect des libertés et droits fondamentaux ;
- l’approche multidimensionnelle, en abordant aussi bien les questions sécuritaires que des aspects socio-économiques : stratégies de prévention et de déradicalisation, inclusion, éducation, lutte contre les discriminations etc. ;
- nécessité de mettre en œuvre pleinement les dispositifs existants, mais aussi d’analyser leurs forces et faiblesses. Parmi les sujets traités : le besoin d’optimiser l’utilisation du Système d’information Schengen, la lutte contre la propagande terroriste, les réseaux radicaux et le recrutement sur Internet, le renforcement des échanges d’informations et le recours aux bases de données existantes, l’utilisation des mesures relatives au financement du terrorisme, l’utilisation et l’évaluation des mesures liées au trafic d’armes, le rôle essentiel joué par Europol et Eurojust, qui doit être conforté ;
- la dimension extérieure de la menace terroriste et la nécessité d’adopter une stratégie européenne extérieure de lutte contre le terrorisme : il est indispensable de promouvoir un partenariat global contre le terrorisme en travaillant étroitement avec les acteurs régionaux.
Le Parlement européen s’engage à travailler à la finalisation de la directive PNR (passenger name record) européen d’ici la fin 2015, en parallèle de l’avancement des discussions sur le paquet « Protection des données » sur lequel il a pris position au début de l’année 2014 et un accord au Conseil.
La paix au Proche-Orient, une urgence
L’Europe doit réinvestir la question centrale de la paix au Proche-Orient. Elle doit utiliser l’impulsion nouvelle donnée par la nouvelle Haute Représentante, notre camarade Federica Mogherini. Les socialistes français et européens l’appui dans cet effort, et c’est à notre initiative que le Parlement européen a adopté une résolution appelant en décembre 2014 à la reconnaissance de l’Etat de la Palestine.
Le cimetière méditerranéen
Le 3 octobre 2013, près de 350 migrants, majoritairement Erythréens, dont beaucoup de femmes et d’enfants, périssaient au large de Lampedusa ; seules 155 personnes ont pu échapper au naufrage ; 900 naufragés depuis le début de l’année 2015. Cette tragédie doit sonner comme un signal d’alarme pour amorcer un changement de cap en matière migratoire. Suppression de toute disposition sanctionnant les personnes portant secours en mer aux migrants en détresse, renforcement des obligations internationales des Etats membres en matière de recherche et sauvetage en mer et développement de voies légales pour les migrants et demandeurs d’asile cherchant à gagner l’Europe : telles sont les mesures indispensables que nous préconisons pour prévenir de nouvelles morts en mer et sortir de l’impasse dans laquelle nous nous trouvons. Il s’agit de mesures de court et moyen termes qui ne se substitue pas à l’obligation de réfléchir plus largement à une politique migratoire cohérente et coordonnée. Sans cela, les migrants continueront de faire appel à des trafiquants ou des réseaux criminels et de risquer leur vie sur des routes de plus en plus dangereuses.