Depuis l’épisode de la chaise vide (1965), l’Europe issue du Traité de Rome s’est construite au fil de ses crises, véritables catharsis des inconscients nationaux face au développement d’une nouvelle communauté de destin.
On peut comprendre que les citoyens de tel ou tel Etat membre expriment parfois une forme d’égoïsme vis-à-vis de tel autre Etat : la solidarité européenne n’est pas encore ancrée dans nos politiques. Dès lors, comment pourrait-elle influer sur les mentalités de chacun ? Par contre il est dangereux qu’un Gouvernement qui se veut responsable flatte ces sentiments destructeurs.
La question grecque est européenne puisqu’elle signe l’échec du pacte de stabilité et de croissance comme outil de gouvernance de la zone euro. D’ailleurs, aussi longtemps que les instances européennes et nationales ne viseront pas à combler les écarts commerciaux, fiscaux et sociaux dans la zone euro et au sein de l’Union dans son ensemble, la construction européenne restera structurellement faible et bancale. C’est aussi en partie parce que nous n’avons toujours pas remis les marchés financiers à leur place que les spéculateurs peuvent aujourd’hui attaquer la Grèce.
Les socialistes français ne peuvent que se satisfaire du recours – décidé ce 9 mai – à l’article 122-2 du traité de Lisbonne, qui autorise le soutien à un pays menacé par « des circonstances exceptionnelles échappant à son contrôle ». Voilà déjà plusieurs mois que nous proposons un tel mécanisme, qui pourrait aboutir à la construction d’un marché européen de la dette souveraine. Toutefois, cela n’est clairement pas suffisant à nos yeux. D’autres questions sont à traiter :
– L’heure n’est pas aux plans de rigueur drastiques et à une supervision des déficits publics renforcée : de telles mesures sont de nature à étrangler tout espoir de reprise économique.
– La question des ressources est essentielle : elle n’est toujours pas d’actualité, le budget européen reste étriqué et sous-dimensionné par rapport aux besoins.
– La régulation financière internationale : depuis 18 mois, toute la communauté internationale appelle à une règlementation financière. Cette semaine a permis un accord entre démocrates et républicains sur la réforme financière aux Etats-Unis : 1300 pages de législation. Elle ne règlera certes pas toutes les difficultés, mais elle a le mérite d’exister, et elle sera bientôt votée. En Europe, nous n’avons toujours rien, malgré nos propositions sur les Credit Default Swaps (CDS), les agences de notation, l’organisation des marchés, l’interdiction des ventes à découvert, les paradis fiscaux, les pouvoirs de la future autorité européenne de supervision des marchés financiers…
« L’Europe ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait », disait Robert Schuman dans sa déclaration du 9 mai 1950. La construction européenne est un projet qui a de l’avenir. La situation actuelle appelle à des actions immédiates : la communauté européenne ne peut passer à côté de cette occasion de renforcer la solidarité européenne.