Pervenche Berès, rapporteure. – Monsieur le Président, Monsieur le Vice-président, chers collègues, parfois l’histoire se répète, parfois l’histoire bégaie.
Dans ce Parlement, en décembre 1998, Alman Metten, l’un de nos collègues, rédigeait un rapport pour demander la mise en place d’un mécanisme d’ajustement aux chocs asymétriques au sein de la zone euro. À l’époque, nous ne l’avions pas écouté, nous étions passés à autre chose. Aujourd’hui, le rendez-vous est là. Ce ne sera sans doute pas le premier rapport qui évoque ce besoin d’un budget de la zone euro mais le point de rendez-vous est là.
Monsieur Timmermans, vous devez dire au président Juncker que cette question d’un budget de la zone euro doit être au cœur du livre blanc. J’entends ici et là des voix nous dire: « Parler de la zone euro au moment du Brexit, c’est un sujet de division. » Je crois tout au contraire que, au moment du Brexit, la donne change.
Pendant très longtemps, nous n’avons pas pu achever l’Union économique et monétaire parce que nous attendions les Britanniques. Maintenant, les Britanniques veulent nous quitter et c’est donc le moment de consolider cette zone euro, d’en faire le socle fort d’une Union européenne à vingt-sept, à laquelle j’aspire, une zone euro à laquelle puissent se joindre l’ensemble des pays de l’Union européenne, ceux qui n’en sont pas encore membre. Mais je ne veux pas qu’ils adhèrent à une zone euro incomplète. C’est le moment de le faire.
On ne peut pas à la fois critiquer la politique monétaire de la Banque centrale en disant qu’elle outrepasse ses pouvoirs et laisser les gouvernements sans moyens d’intervenir. On ne peut pas déplorer le bas niveau d’investissement, y compris dans des pays qui ne sont pas dits «de la périphérie», qui sont au cœur de la zone euro et penser que le plan Juncker peut suffire.
La question de l’investissement n’est pas suffisamment traitée au cœur de notre Union économique et monétaire. Alors, après beaucoup d’autres travaux, ce Parlement, pour la première fois, va se prononcer clairement pour un budget de la zone euro, autour de trois fonctions majeures. D’abord, le retour de la convergence. A-t-on assez en tête cette idée que, au sein de la zone euro, les divergences depuis le déclenchement de la crise ont été plus importantes qu’en dehors de la zone euro? Ne serait-ce que parce que les mécanismes du pacte de stabilité ont miné les stabilisateurs automatiques au sein des pays de la zone euro. Sait-on qu’on a mis en place un mécanisme intergouvernemental – à améliorer – pour faire face aux chocs asymétriques, avec un mécanisme européen de stabilité qui est aujourd’hui totalement sous-employé et qui représente potentiellement un budget de 5 % du PIB des pays membres de la zone euro? Sait-on que nous ne disposons d’aucun outil au sein de la zone euro pour faire face à un choc asymétrique, une hausse brutale du prix du pétrole, une chute brutale du niveau d’investissement?
Nous sommes le seul espace monétaire intégré qui ne dispose pas d’outils. J’entends ici ou là beaucoup nous dire: « Mais il y a le pacte, et le pacte devrait être l’alpha et l’oméga de la gouvernance économique. »
Mes chers collègues, soyons honnêtes entre nous. Cela fait 20 ans que le pacte de stabilité est là et cela fait 20 ans que nous voyons bien ses limites.
Ce que nous proposons avec ce budget de la zone euro, c’est simplement d’équiper les pays membres de la zone pour faire de leur monnaie ce qui leur a été promis au premier jour en permettant une convergence entre ces économies, en permettant de remettre en place des mécanismes d’ajustement aux chocs asymétriques.
Nous ne le disons pas dans le rapport mais nous savons bien qu’il y a des travaux d’experts qui sont tout à fait prêts si la Commission veut s’en saisir, que ce soit à travers une indemnité chômage minimum ou ce que le FMI appelle un rainy day fund; et cette idée qu’il faut aussi au sein de la zone euro avoir un pilotage de l’économie de la zone au-delà de la règle.
Voilà ce que, avec Reimer Böge, nous vous proposons. Encore une fois, je crois que le message principal pour nous, c’est que dans le livre blanc que Jean-Claude Juncker mettra sur la table avant le 60e anniversaire du traité de Rome, cette question de la zone euro ne soit pas passée au deuxième plan, au motif que cela serait un sujet de division d’une Europe à 27 car je crois, tout au contraire, que c’est le socle le plus fort sur lequel on peut construire cette Europe de demain.
Pervenche Berès, rapporteure. – Monsieur le Président, Monsieur le Vice-président, comme M. Verhofstadt, je suis un peu déçue que vous n’ayez pas pu lire le rapport Böge Berès. Il est sur la table depuis très longtemps maintenant et a été – c’est vrai – voté hier soir, mais dans une version qui n’a pas beaucoup bougé depuis longtemps.
Avec Reimer Böge, nous savons que cette capacité budgétaire pour la zone euro est une pièce indispensable. Je m’adresse particulièrement à vous car, avec le vote de ce rapport et des deux autres rapports, le message que nous envoyons à la Commission européenne est que, dans le livre blanc que vous allez publier, cette question doit être une question centrale.
Quand les temps sont durs, quand le Brexit est là, quand certains veulent réveiller le Grexit, la question est de savoir quel est l’investissement de la Commission et du Parlement européen pour achever la zone euro, afin qu’elle soit ce socle solide que nous avons voulu depuis l’origine, car enfin complété par la création d’un budget de la zone euro – alors le livre blanc sera utile. Mais si vous n’écoutez que les États membres et établissez une espèce de longue liste-catalogue pour faire plaisir à tout le monde, ne faire peur à personne, ne pas diviser au motif que certains seraient dans la zone euro ou pas, vous minerez la base sur laquelle nous sommes assis.
Je fais confiance au président Juncker et souhaite que vous alliez en ce sens pour que cette question d’un budget de la zone euro, à laquelle ont vocation à appartenir l’ensemble des 27 pays membres de l’Union européenne, soit un outil enfin en place, car nous en avons besoin pour assurer la convergence des économies de la zone, notre capacité d’amortir des chocs asymétriques et symétriques, tout en tenant compte d’un pilier social.